France

Violences contre la police à Goussainville : les policiers se souviennent de Viry-Châtillon

A la suite des violences contre la police à Goussainville (Val-d'Oise), des policiers associatifs militants expriment leur mécontentement et déplorent une dégradation de la situation dans les zones sensibles.

Après les violences survenues le soir du 13 mai à Goussainville, dans le Val-d'Oise, lorsque des individus s'en sont pris à un équipage de police nationale en leur projetant notamment des cocktails Molotov dans un guet-apens, des policiers de terrain réagissent. C'est le cas du Collectif autonome des policiers d'Ile-de-France (CAP-IDF) qui a publié sur sa page Facebook un message adressé principalement aux gardiens de la paix : «Nos collègues, qui ne faisaient que patrouiller, ont été la cible de sauvages qui n'avaient qu'une envie, voir comment pouvait cramer un condé. Le spectre de Viry-Châtillon est toujours bien présent et nous rappelle à son "bon" souvenir. [...] Il fut un temps où le parquet aurait qualifié ces faits en violences volontaires sur personne dépositaire de l'autorité publique. Combien de faits similaires ou apparentés ont-ils été ainsi qualifiés pour faire pschitt ? Un bon paquet, bien chargé de faits similaires, aussi inadmissibles que dangereux pour la continuité du service et de nos missions régaliennes ! [...] Surtout n'abdiquons pas, comme c'est souvent le cas dans ces cités dites sensibles !»

Comme nous n'occupons plus le terrain, les délinquants ne veulent plus voir un seul flic

Interrogé au téléphone par RT France, un membre du CAP-IDF déplore que l'attaque contre cet équipage de police soit «peu médiatisé» et estime que les grandes chaînes d'actualité préfèrent «prioriser d'autres sujets». Le policier de terrain s'inquiète également quant à l'évolution de la situation dans les quartiers difficiles et alerte : «On y va de moins en moins dans les cités ! Les Compagnies républicaines de sécurité [CRS] sont très mobilisées les week-ends pour les manifestations, notamment en province et les effectifs sont ballottés d'une ville à l'autre, certains sont blessés, beaucoup sont en arrêt maladie. Les compagnies sont de plus en plus clairsemées, certains veulent même quitter la police, ils en ont marre de se faire balader, pourrir et taper, sans parler de l'image de leur métier, très écornée. Les relations de couple se détériorent également. Alors c'est sûr que les délinquants ne nous voient plus dans les cités, parce que lorsque les collègues savent qu'ils ne peuvent compter ni sur des renforts, ni sur le soutien opérationnel des CRS, ça ne les encourage pas à faire du contrôle.»

Et le policier militant de dresser un constat : «Comme nous n'occupons plus le terrain, les délinquants ne veulent plus voir un seul flic, ils veulent la place libre et nette et ça donne ce genre d'événements, des collègues caillassés et des cocktails Molotov qui volent sur les véhicules de police.»

Le membre de ce collectif francilien de policiers assure pourtant que les habitants des «quartiers dits sensibles» apprécient la présence policière et qu'ils se sentent «abandonnés» quand ils ne voient plus de patrouilles dans leurs rues. Ainsi il conclut : «Il ne faudra pas se plaindre que les trafics de stups et de voitures volées battent leur plein à l'avenir ! Les petits délinquants de banlieue s'en foutent des Gilets jaunes, mais ils ont bien capté le changement dans les rapports entre police et population qui découle de cette séquence. Ils ont compris le signal. Mais ça, il semble que le ministère de l'Intérieur et les syndicats de police s'en foutent.»

Si l'Etat voulait vraiment reprendre la main sur ces quartiers, il faudrait soit envoyer l'armée, soit raser les ghettos

Policier en retraite et porte-parole de l'Union des policiers nationaux indépendants (UPNI), Jean-Pierre Colombies, joint par RT France, se désole : «Quand je pense qu'il y a encore des patrons de syndicats pour dire que Castaner fait le job... c'est fou. A chaque fois qu'il s'exprime à propos des forces de l'ordre en les opposant à la population, j'estime qu'il fait de la mise en danger de la vie d'autrui. Il prend les policiers pour de la chair à canon.»

Concernant les rapports entre les résidents des quartiers sensibles et les fonctionnaires de police, notamment ceux affectés à la mission de police de sécurité du quotidien (PSQ), l'ancien gradé ricane : «Non mais, la PSQ, halte au gag, là... Depuis l'époque Sarkozy qui a décimé la police de proximité, on a totalement lâché certains secteurs qui sont tombés aux mains de bandes de voyous. De toute façon, depuis les émeutes de 2005, on n'entend plus parler de la vie des cités, sauf quand les flics débarquent. Mais en réalité, si l'Etat voulait vraiment reprendre la haute main sur ces quartiers maintenant, il faudrait soit envoyer l'armée, soit raser ces ghettos et créer un nouvel espace urbain avec une vraie volonté de lien social, au lieu d'envoyer les CRS.»

Marseillais d'origine, le policier retraité se souvient des quartiers nord de son enfance et déplore que certaines zones résidentielles aient été laissées pour compte. Il estime à ce titre que des quartiers de ce secteur sont devenus des «camps retranchés», avec seulement quelques entrées faciles à contrôler pour les bandes locales, et lâche, sans illusion : «Si la police entre là-dedans, elle est automatiquement considérée comme l'ennemi.»

Avec plusieurs décennies de carrière derrière lui, Jean-Pierre Colombies semble dépité : «On sent comme une volonté de statu quo dans cette situation. Au lieu de chercher à recréer une vie sociale digne de ce nom, on envoie les flics au carton et on ne règle rien, mais personne n'assume de le dire, ni en politique, ni dans le monde syndical de la police.»

Antoine Boitel

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