Tôt dans la matinée de ce 22 avril, le journaliste Renaud Dély a publié un double tweet expliquant pourquoi il avait retiré sa publication de la veille, dans laquelle il avait écrit : «Et dire que pendant que cette vermine parade chaque samedi, il est encore des "idiots utiles" des Gilets jaunes qui fantasment un prétendu régime policier...» Le message était accompagné d'une vidéo dans laquelle on entend des manifestants crier «suicidez-vous» aux forces de l'ordre.
Revenant sur ses propos, l'éditorialiste de France info a ainsi expliqué sa démarche par «le harcèlement numérique dont [il faisait] l'objet», affirmant que ses propos ne visaient qu'une certaine catégorie de manifestants, à savoir ceux «appelant les policiers au suicide et non [...] l'ensemble des Gilets jaunes».
«Pour essayer de retrouver un peu de paix, je retire ce terme et ce tweet postés sous le coup de la colère et du dégoût provoqués par une scène ignoble et m'excuse auprès de ceux qui se sont sentis visés à tort...» a-t-il poursuivi.
La scène montrant certains manifestants scander «Suicidez-vous» aux policiers, avait par ailleurs choqué l'opinion publique, et engendré une vague de réactions au sein de la classe politique.
«Ecurie de branquignols», «peste jaune», «beaufs», «extrémistes»...
Avant le tollé provoqué par le journaliste Renaud Dély, d'autres figures médiatiques n'ont, par le passé, pas lésiné sur l'utilisation de qualificatifs peu élogieux à l'égard des Gilets jaunes.
Ainsi, Roselyne Febvre, chef du service politique de France 24, avait par exemple opté pour des éléments de langage très suggestifs au cours de l'émission Politique, diffusée le 28 février sur la chaîne publique française. Sous-entendant que la mobilisation des Gilets jaunes s'était transformée au cours des actes en «une espèce d'écurie de branquignols», la journaliste avait alors eu du mal à cacher son aversion pour le mouvement citoyen, estimant que celui-ci avait fait émerger «tout ce qu'il y a de pire chez l'homme». «Des Gilets jaunes, il ne persiste dans le fond qu'une colère brute parfois irrationnelle, d'où a [émergé] un goût pour la violence, l'antisémitisme, le racisme, le complotisme», avait-elle considéré.
Deux semaines plus tôt, une inscription antisémite taguée sur la façade d'une enseigne de restauration parisienne la veille de l'acte 13 des Gilets jaunes – bien qu'aucun lien n'ait pour l'heure été établi entre ce fait et la mobilisation citoyenne – avait été prétexte aux commentaires de nombreux observateurs visant à disqualifier le mouvement. Le journaliste Frédéric Haziza n'avait ainsi pas hésité à parler de «peste jaune». L'éditorialiste Dominique de Montvalon n'avait de son côté pas manqué d'ironiser, laissant sous-entendre un lien entre le mouvement et l'acte antisémite : «Les Gilets Jaunes n’y sont pour rien. C’est bien connu : il n’y a aucun antisémite dans les rangs des Gilets Jaunes, ni aucun slogan de cette nature. Circulons, il n’y a rien à voir.»
La défiance du monde médiatique vis-à-vis des Gilets jaunes est un phénomène qui s'est développé dès les premières heures du mouvement. En amont de celui-ci, le journaliste Jean Quatremer avait par exemple considéré qu'il s'agissait d'«un mouvement de beaufs [...] poujadiste et largement d’extrême droite».