Dans une enquête publiée le 19 avril, la cellule investigation de Radio France révèle comment Alexandre Benalla, ancien chargé de mission d’Emmanuel Macron, par ailleurs inquiété par la justice française, a bénéficié des largesses de l’administration pour obtenir certains avantages comme l'accès aux bureaux de l’Assemblée nationale et à sa bibliothèque.
Nous sommes en octobre 2014 et Alexandre Benalla, auparavant garde du corps de Martine Aubry, du candidat François Hollande et du ministre Arnaud Montebourg (qui le licenciera au bout de quatre mois), intègre la société de sécurité privée Velours. C’est à cette époque que, par l’intermédiaire du socialiste Benoît Hamon, le jeune garde du corps accède de nouveau à la sphère politique.
Il m’a demandé si je pouvais lui accorder un badge pour qu’il ait un accès à la salle de sport de l’Assemblée. Je n’y voyais pas d’inconvénient, j’ai accepté
Celui qui vient de quitter le ministère de l’Education nationale, de l’Enseignement et de la Recherche, retrouve son siège à l’Assemblée nationale aux côtés des frondeurs et reçoit une visite d’Alexandre Benalla.
Benoît Hamon confie s'être fait «enfumer»
«On se connaissait par le service d’ordre du Parti socialiste (PS). Il m’a demandé si je pouvais lui accorder un badge pour qu’il ait un accès à la salle de sport de l'Assemblée. Je n’y voyais pas d’inconvénient, j’ai accepté», explique l’ancien candidat à la présidentielle à Radio France. Problème, ces badges ne sont accordés qu’aux assistants rémunérés, aux collaborateurs des partis politiques ou à des membres de la famille, catégories auxquelles n’appartient pas le garde du corps.
La requête est validée par l’Assemblée nationale au motif qu’il est mentionné dans le dossier fourni pour l’accréditation qu’Alexandre Benalla est «chauffeur-assistant au Parti socialiste». Ce qu’il n’est en réalité plus. Benoît Hamon reconnaît pour sa part, au micro de Radio France, un certain manque de rigueur : «Dans ma tête je fais un badge à un gars du service d’ordre du PS qui veut aller à la salle de sport. Point barre. Il m’a probablement menti sur ce point.» De plus, l’ancien ministre de l’Economie se défend d’avoir falsifié le document. «Nous nous sommes basés sur ce que nous disait Benalla», affirme-t-il précisant : «Je me suis fait enfumer !»
Autre zone d’ombre, contrairement aux affirmations d’Alexandre Benalla devant la commission d’enquête du Sénat, son badge ne lui permet pas d’accéder à la salle de sport de l’Hémicycle mais «uniquement au bureau de Benoît Hamon et à la bibliothèque», d’après un mail envoyé par les services de l’Assemblée nationale à Radio France. Reste à savoir si Alexandre Benalla a joué les lobbyistes auprès des parlementaires. Selon l’Assemblée nationale, ce badge a été désactivé en juin 2015, soit huit mois plus tard.
Curriculum vitae truqué
Mais ce n’est pas la première fois que le compère de Vincent Crase essaie d’obtenir un laissez-passer. Un an plus tôt, en 2013, Pascale Boistard, alors député de la 1ère circonscription de la Somme, admet lui avoir fourni «un badge de collaborateur bénévole», d’après Radio France. Alexandre Benalla n’a pourtant jamais travaillé au sein de l’Assemblée nationale. Dans un CV datant de 2016, que Radio France a pu consulter, il y fait mention d’une expérience professionnelle de quatre ans au Palais Bourbon en tant qu’«assistant parlementaire sécurité» pour le groupe SRC et pour la présidence de la commission des Lois.
«Il nous a proposé des services. Il a peut-être rédigé une note ou deux, sur la sécurité privée. Mais il a été éconduit», révèle Jean-Jacques Urvoas, ancien garde des Sceaux sous François Hollande, à l’époque président de la Commission des lois, toujours à Radio France. Par ailleurs, en 2016, le futur protégé d’Emmanuel Macron réussit, par l’intermédiaire du boxeur guadeloupéen Jean-Marc Mormeck, plusieurs fois champion du monde, à prendre la direction du cabinet du Marksman, qui vient d’être choisi par le Premier ministre Manuel Valls pour devenir Délégué interministériel pour l’égalité des chances des Français d’outre-mer. Problème là encore, le poste de chef de cabinet n’apparaît pas dans l’organigramme du ministère. Qu’à cela ne tienne, Alexandre Benalla est, selon Radio France, «imposé» comme «chef de cabinet bénévole» et s’installe dans le bureau de la directrice de la communication. Elle découvrira ses affaires regroupées dans un coin à son retour de congés.
Enfin, le poste de chef de cabinet n'existant pas, Alexandre Benalla ne peut donc être contractualisé. Matignon décide alors de lui faire une lettre de mission afin de préciser les contours de sa charge au ministère. «Il fallait bien cadrer les choses», indique un ancien collaborateur de Manuel Valls à Radio France. Ce dernier ne comprend toujours pas comment le jeune homme est passé de simple garde du corps à chef de cabinet. Cette lettre de mission, exhumée par Radio France, suscite des interrogations car d’après les informations rapportées par la cellule investigation du média, elle aurait été rédigée par Alexandre Benalla en personne. Ce dernier, sollicité par Radio France, n'a pas souhaité s'exprimer.
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