Huit syndicats de l’Assistance publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP) ont déposé un préavis de grève pour obtenir des négociations sur les thèmes de l'emploi, des salaires et des restructurations en cours. Cette grève, qui commence à 18 heures ce 18 avril, se terminera le 20 avril à 7 heures.
Après des appels à la grève dans 25 services d'urgence parisiens le 14 avril, les syndicats CGT, SUD, FO, CFDT, CFTC, CFE-CGC, Unsa, SMPS appellent à cesser le travail dans tous les services entre le 18 et le 20 avril.
Les représentants professionnels veulent «voir s’ouvrir de véritables négociations» et revendiquent «la titularisation des contractuels», une «revalorisation» des salaires, ainsi qu'un budget «à la hauteur des besoins de la population».
Les directions disent qu'ils demandent des moyens, qu'ils nous entendent, mais parfois je me demande s'ils font vraiment le nécessaire
Les années passent et, malgré les mises en garde fréquentes des syndicats, les conditions de travail continuent manifestement de se dégrader avec des patients de plus en plus nombreux et parfois violents, notamment après une série d'agressions survenues à l'hôpital Saint-Antoine. Par ailleurs, malgré le vieillissement de la population, des fermetures sont annoncées dans les services de gériatrie.
Le message passe-t-il du côté de la direction ? Pas sûr : confronté à la grogne sociale, le directeur général de l'AP-HP, Martin Hirsch, a promis l'ouverture de 45 postes supplémentaires, alors que, selon la section santé de la CGT, il en faudrait 700.
Déléguée Sud-Santé Solidaires à l'hôpital Pompidou, Sabrina Roinsard constate la dégradation au quotidien sur le terrain : «Au niveau syndical, nous avons beaucoup alerté, mais ça ne va pas du tout dans le bon sens. On nous parle de nouveaux grands ensembles hospitaliers qui impliquent de nouvelles fermetures d'hôpitaux. En gériatrie, on perd des lits alors que la population vieillit. Je me demande à quoi ils pensent parfois.»
L'accueil des urgences de l'hôpital où travaille la syndicaliste est également confronté aux mêmes défis similaires que les autres hôpitaux parisiens : «Aux urgences, il y a un gros problème : on a constaté que tous les ans, les passages dans ces services augmentaient, mais on n'augmente pas les effectifs en conséquence. Nous, on accueille tout le monde, c'est normal, c'est notre métier, mais en face, il n'y a pas de décisions cohérentes. Par exemple, on a de plus en plus de précaires qui arrivent aux urgences, des personnes sans domicile, des familles entières. Bien souvent, on ne sait pas où les réorienter en termes d'hébergement, ni comment les gérer. On manque de lits d'aval après le passage aux urgences également.»
Il n'y a plus rien d'attractif à l'AP-HP ! Certains collègues disent parfois qu'ils vont se foutre en l'air. Il y a beaucoup de burn-outs aussi
La question sécuritaire revient aussi : «Les effectifs de sécurité patrouillent dans tout l'hôpital, notamment la nuit, alors que l'accueil de nuit se fait aux urgences. Eux non plus ne sont pas assez nombreux.»
Alors Sabrina Roinsard sera solidaire de la grève parisienne : «Demain, nous serons normalement à 100% de grévistes pour les services de jour et de nuit à Pompidou.» Mais les salariés de l'AP-HP seront pourtant au travail pour continuer les soins selon un rythme de travail ramené au service minimum. «De toute façon, c'était déjà le cas», précise Sabrina Roinsard, qui se félicite que certains médecins se montrent plus solidaires des personnels paramédicaux qu'auparavant : «Même s'ils ne font pas grève avec nous, ils se rendent de plus en plus compte des difficultés, eux aussi.»
Plus généralement, les syndicats des professionnels de santé portent un message social, à l'instar de Sabrina Roinsard qui fait le lien entre la situation de son hôpital et la crise sociale que traverse la France depuis le mois de novembre 2018 : «Il y a un gros problème dans ce pays... Trop d'inégalités, pas assez de justice sociale, on ne peut pas tout accepter. Nous sommes pour un système de santé unique qui traite tout le monde de la même manière, sans médecine à deux vitesses et nous avons vraiment peur pour nos hôpitaux à l'heure actuelle. Tous les jours, les personnels de l'AP-HP accueillent, écoutent, soignent. Nous donnons beaucoup, mais les salaires ne suivent pas, les conditions de travail non plus. Alors les gens partent. Il n'y a plus rien d'attractif à l'AP-HP ! Certains collègues disent parfois qu'ils vont se foutre en l'air. Il y beaucoup de burn-outs aussi... Les directions disent qu'ils demandent des moyens, qu'ils nous entendent, mais parfois je me demande s'ils font vraiment le nécessaire. Il y a un grand ras-le-bol, nous ne nous sentons pas écoutés et c'est épuisant.»
Les services de Martin Hirsch entendront-ils cette fois la colère des hospitaliers ? Le nécessaire sera-t-il fait pour obtenir plus au niveau du ministère de la Santé ? Les syndicats ont en tout cas décidé de se rassembler sous les fenêtres du directeur de l'AP-HP le 19 avril à 9h30.