France

Pour Geneviève Legay, la blessée de Nice, Macron est un «exemple de mépris et de violence»

La militante, toujours hospitalisée après la manifestation de Nice du 23 mars, a répondu à la presse. Elle a blâmé la réaction du président et dénoncé les pressions policières dont elle aurait fait l'objet pour accuser à tort un journaliste.

La militante Geneviève Legay, 73 ans, grièvement blessée lors des manifestations des Gilets jaunes du 23 mars à Nice, a accordé ses premières interviews à la presse le 8 avril. La retraitée a dénoncé les pressions policières dont elle aurait été victime et a tenu des propos sans concessions envers le président français. «Macron n’est pas un exemple de sagesse mais un exemple de mépris et de violence», a-t-elle lancé à Mediapart.

Depuis l'hôpital Cimiez où elle vient d'être transférée et dans lequel elle passera plusieurs semaines de convalescence, Geneviève Legay s'est exprimée sur ces deux dernières semaines, après la chute qui lui a occasionné plusieurs fractures du crâne ainsi que celle du coccyx. Elle souffre également d'une hémorragie méningée et d’un hématome sous-dural non résorbé. Son équilibre, son ouïe et son odorat sont toujours affectés. En revanche, la militante d'Attac n'a pas perdu sa combativité. Elle a évoqué le moment de l'accident à Mediapart : «Là, je me suis retrouvée face à un cordon de policiers. Je leur faisais face et, derrière moi, il y avait, à quelques mètres, mes amies.» 

Elle dit ne pas avoir entendu les policiers prévenir qu'ils allaient charger. «Puis, tout a été rapide et brusque. J’ai vu les policiers foncer sur nous, sans aucune raison. Puis, j’ai le souvenir d’avoir été sonnée, d’avoir été poussée par un policier. J’ai eu l’impression d’avoir reçu un coup et après je ne me rappelle plus de rien». Geneviève Legay s'est ensuite réveillée en piètre état à l'hôpital.

J’ai le souvenir d’avoir été sonnée, d’avoir été poussée par un policier

Elle estime avoir reçu un coup de matraque. «Comment je peux être blessée devant, derrière, me retrouver par terre sans me rappeler ? Je pense que j’ai pris un coup de matraque, je suis tombée», a-t-elle confié à BFM TV.

Des policiers seraient venus faire pression sur Geneviève Legay

L'information judiciaire aura maintenant pour charge de déterminer les circonstances exactes de l'accident. Les premiers éléments de l'enquête ont permis de déterminer que Geneviève Legay avait été poussée par un policier, version confirmée par la procureur de Nice. Le policier en question a avoué son geste qu'il dit regretter mais a expliqué avoir obéi aux ordres donné par sa hiérarchie. 

Ces révélations interviennent après un feuilleton au cours duquel Emmanuel Macron et le procureur de Nice avaient donné une version exactement contraire. Le président de la République avait assuré dès le 25 mars, soit deux jours après l'incident, dans un entretien à Nice Matin que «cette dame n'a[vait] pas été en contact avec les forces de l'ordre». Le procureur de Nice Jean-Michel Prêtre avait lui aussi assuré le 25 mars, lors d’une conférence de presse : «Ce dont on est sûr aussi à la vue des images, pixels par pixels, c’est qu’elle n’a pas été touchée par les forces de police, par un bouclier ou par un homme.» Il avait suggéré qu'un journaliste avait pu la faire tomber.

Il est venu deux policiers me faire dire que c’était le journaliste qui m’avait bousculée

Deux policiers auraient à plusieurs reprises tenté de faire avouer cette version à Geneviève Legay, qui s'en est confiée à BFMTV : «Dès le dimanche matin, par trois fois, il est venu deux policiers me faire dire que c’était le journaliste qui m’avait bousculée. Ils sont venus par trois fois me le faire dire et j’ai dit non». 

A la suite de ces déboires, l'avocat de la blessée a déposé plainte contre «X» pour «violence volontaire en réunion avec arme par personnes dépositaires de l’autorité publique et sur personne vulnérable» et pour «subornation de témoin», à cause des pressions exercées sur la blessée. 

Geneviève Legay a expliqué à Mediapart souhaiter que les vrais responsables soient visés : «Je sais que le policier qui m’a poussée a reçu des ordres de sa hiérarchie, du commissaire Souchi, du préfet de police, du ministère de l'Intérieur. [...] Je veux qu’on remonte vers les responsables et qu’on ne reste pas sur les simples exécutants.»

Macron n’est pas un exemple de sagesse mais un exemple de mépris et de violence

Elle a également sévèrement blâmé les réactions du président qui lui avait conseillé davantage de sagesse, dans une interview publiée le 25 mars, dans Nice Matin, expliquant que «pour avoir la quiétude, il faut avoir un comportement responsable». S'indignant qu'il puisse donner des «leçons de sagesse sans l'être lui même», elle a confié à Mediapart : «Macron n’est pas un exemple de sagesse mais un exemple de mépris et de violence».

Elle n'épargne pas non plus le maire de Nice Christian Estrosi qui avait estimé légères les blessures de la militante. «C'est une honte», a-t-elle jugé.

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