Le Premier ministre Edouard Philippe s'est exprimé le 8 avril un peu avant midi sous les verrières du Grand Palais, à Paris, pour livrer les conclusions du Grand débat national, en amont des premières annonces concrètes d'Emmanuel Macron, attendues à la mi-avril.
«En même temps» ?
Après les remerciements d'usage, et le rappel de la méthode, Edouard Philippe s'est attelé à développer une «synthèse forcément réductrice» des 1,5 millions de contributions.
Changer d'approche, de méthode et changer d'échelle
Selon le Premier ministre, un «immense besoin de justice et d'équité» a surgi des débats et quatre exigences ont été mises à jour, impliquant de changer «d'approche, de changer de méthode et [...] d'échelle». Tout en souhaitant passer à l'acte, il s'est cantonné à décrire des principes généraux, assurant la venue d'un changement... tout en maintenant les caps fixés par le gouvernement jusqu'ici. Les affirmations d'Edouard Philippe n'ont pas été exemptes de paradoxes.
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Les quatre exigences des contributeurs
Edouard Philippe a en premier lieu évoqué l'«exaspération fiscale» des Français, ressentie par les particuliers et les entreprises. «Mon gouvernement en assume sa part de responsabilité», a-t-il reconnu. Il a assuré souhaiter «baisser et baisser plus vite les impôts», mais sans préciser pour qui seraient appliquées ces baisses. Au cours de ces explications, le Premier ministre a dans le même temps rappelé la nécessité de la «baisse de la dépense publique». Des exigences irréconciliables ?
Par ailleurs, le rétablissement de l'impôt de solidarité sur la fortune (ISF), l'une des revendications des Gilets jaunes, n'a pas été annoncé comme figurant au programme, par Edouard Philippe.
L'«exigence de fraternité de proximité, de lien quotidien» a ensuite été développée par le Premier ministre, qui a noté «l'isolement, l'abandon, l'indifférence, le manque d'attention, de considération» dont se plaignent les Français.
La solution passe selon lui par le rétablissement de «l’équilibre entre les métropoles et les communes qui se trouvent à l’extérieur». Il faudra agir au niveau des «communes petites ou moyennes qui ont encaissé le choix du développement de métropoles, revoir les règles d'urbanisme qui ont poussé à l'étalement». Il a promis qu'un effort serait consenti «pour les transports». Le chef du gouvernement a souligné la demande de véritables services publics de contact, plus simples, qui ne seraient pas «que du numérique».
L'«exigence démocratique» constitue le troisième pilier des remontées des contributions annoncées par Edouard Philippe, qui a reconnu ne pas être parvenu à «réconcilier les Français avec ceux qui les dirigent». Le Premier ministre a noté la nécessité de «bâtir une démocratie participative au long cours». Toutefois le gouvernement a fixé ses limites. «Certains annonçaient la fin de la démocratie représentative et l'avènement de ce qui aurait pu être une forme de démocratie directe et médiatique permanente. Ce n’est pas ce que les Français veulent», a-t-il affirmé, alors que le Référendum d’initiative citoyenne (RIC) s'est affirmé comme l'une des revendications des Gilets jaunes.
Dernier pan des contributions exposées par Edouard Philippe : la prise de conscience de l'urgence climatique. Selon Edouard Philippe, les «Français sont prêts à changer de comportement», mais sans être taxés davantage.
Selon le Premier ministre, ces quatre exigences font consensus dans les contributions. «Le besoin de changement est si radical que tout conservatisme, toute frilosité serait à mes yeux impardonnable», a déclaré le Premier ministre, dans l'attente des prochaines annonces concrètes.
Un Grand débat très contesté et dont les Gilets jaunes ont été les grands absents
Le principe de cette initiative voulue par Emmanuel Macron a peiné à convaincre, non seulement parmi les Gilets jaunes, mais aussi parmi de nombreux Français, puisque selon un sondage Elabe du 3 avril, seuls 6% penseraient que le grand débat est un réel succès. D'après la même enquête d'opinion, 79% des concitoyens jugent en revanche que le Grand débat national «ne résoudra pas la crise politique que traverse le pays».
Un avis partagés par certains commentateurs. Invité à s'exprimer sur RT France, Nicolas Vidal, directeur de la publication de Putsch, estime ainsi qu'à défaut d'entreprendre un réel bouleversement de la politique macronienne, «le Grand débat [...] ne [serait] qu'un grand contournement de la démocratie».
S'ils en ont été à l'initiative, les Gilets jaunes ont été les grands absents du débat, un grand nombre d'entre eux boudant les réunions car ils n'en attendaient rien. Certains estimaient même que celles-ci servaient en réalité d'autres intérêts, à l'instar d'Aurélien Crifo, Gilet jaune et candidat PCF aux élections européennes, qui juge : «Le grand débat on le sait tous, c'était une campagne pour les européennes aux frais du contribuable.»
Selon lui les revendications portées par les Gilets jaunes sont claires : «démocratiques, sociales, fiscales, écologiques». Et de poursuivre : «Mais en face de nous il n'y a rien. On nous demande de faire des propositions, mais est-ce qu'on nous donne les moyens de mettre ces propositions en place ? Je ne crois pas», avait-il ajouté.
L'entrepreneur et Gilet jaune Fabrice Grimal, affirme pour sa part qu'il ne s'agit pas «d'un débat mais d'une série de monologues absolument inutiles, très très longs, où Macron n'a fait que dérouler son programme et ses idées à lui».
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