Le matin du 1er avril, c'est devant le centre des finances publiques du Cap Corse, à Ville-di-Pietrabugno, en périphérie de Bastia, qu'un agent du Trésor public a découvert une charge composée d'une centaine de grammes de tolite, un explosif à usage militaire fabriqué à partir de TNT.
Alors que l'enquête débutait à peine, une autre charge était trouvée en début d'après-midi devant la direction départementale des finances publiques, dans le centre-ville de Bastia. Une cinquantaine de personnes ont été évacuées du bâtiment pendant que les démineurs intervenaient.
«Attaquer un centre des impôts, c'est attaquer la République», a réagi le matin du 1er avril sur Twitter le ministre des Comptes publics Gérald Darmanin, condamnant une «attaque lâche».
«Ça n'a pas explosé, c'est un avertissement, c'est une charge pour impressionner et avertir», a déploré dans l'après-midi auprès de l'AFP Jean-Pierre Battestini, secrétaire général local de la CGT Finances Publiques, présent sur place. Il a fustigé, dans un communiqué, des attentats et tentatives d'attentats qui «mettent en péril la vie des personnels et fragilisent [les] missions de service public au moment où justement le président Macron veut les supprimer». «Macron et poseurs de bombe poursuivent les mêmes objectifs au détriment de l'intérêt général de la Corse», a-t-il ajouté.
Macron et poseurs de bombe poursuivent les mêmes objectifs au détriment de l'intérêt général de la Corse
Dans la foulée de cette deuxième tentative d'attentat, le parquet de Paris a ouvert une enquête en flagrance pour association de malfaiteurs en vue de la préparation d'actes de terrorisme, tentative de destruction par engins explosifs, acquisition d'engins explosifs, transport et détention d'engins explosifs, des infractions commises en relation avec une entreprise terroriste. La sous-direction anti-terroriste (SDAT) et la direction régionale de la police judiciaire (DRPJ) d'Ajaccio ont été saisies conjointement des investigations.
Une visite dans un «climat tendu»
Ces événements, qui n'ont pas été revendiqués, interviennent alors que le président de la République Emmanuel Macron est attendu en Corse le 4 avril pour la dernière étape du grand débat national, une visite qui s'annonçait délicate avant même la découverte de ces charges explosives.
Le 1er avril, le président autonomiste du conseil exécutif corse, Gilles Simeoni, avait annoncé qu'il ne «participera[it] pas en l'état» à cette rencontre entre les maires et Emmanuel Macron, jugeant le «climat tendu» et dénonçant «un blocage politique» avec Paris. Le 29 mars déjà, le président de l'Assemblée de Corse, Jean-Guy Talamoni, avait lui aussi annoncé qu'il ne prendrait pas part à la rencontre avec le chef de l'Etat.
La coalition nationaliste Pe a Corsica, formée des partis de Gilles Simeoni (Femu a Corsica), Jean-Guy Talamoni (Corsica Libera) et Jean-Christophe Angelini (PNC), a appelé à une demi-journée «Isula Morta» (Ile morte) le 4 avril entre 12h et 18h.
A Paris, la toute nouvelle porte-parole du gouvernement Sibeth Ndiaye, a assuré que le gouvernement était «très attaché au dialogue avec les élus corses» et espérait qu'il pourrait «se poursuivre de manière sereine dans les jours et dans les semaines à venir».
Une cible régulière
Les finances publiques ont souvent été prises pour cible par les mouvements clandestins corses avec notamment un attentat contre l'hôtel des impôts de Bastia le 28 février 1987 qui avait fait quatre blessés. D'autres attentats avaient eu lieu en avril 1993 à Nice, en décembre 1995 à Ajaccio et Bastia, en 2003 à Nice, ou encore en mai 2005 et novembre 2007 à Ajaccio.
Mais les villas des «continentaux» sont également une cible de choix. Le week-end précédant la découverte, une résidence secondaire de Sagone (Corse-du-Sud) et une maison en construction à Venzolasca (Haute-Corse) ont été en partie détruites à l'explosif, sans qu'il y ait, pour l'heure, de revendication.