France

Nostalgique de sa victoire ? Hamon voudrait de nouvelles primaires

Si la primaire socialiste et celle de la droite n'ont permis à aucun de leurs candidats d’être présent au second tour de la présidentielle de 2017, Benoît Hamon semble en redemander avec une «votation citoyenne» pour l'ensemble de la gauche.

Toujours en berne dans les sondages pour les européennes (4% selon le dernier sondage OpinionWay du 25 janvier), le leader de Génération.s Benoît Hamon a semble-t-il décidé de lancer une nouvelle idée pour survivre politiquement et espérer un sursaut. Ainsi, le 8 février, l'ex-vainqueur de la primaire socialiste et candidat à la présidentielle de 2017 (6,36% des voix) a remis sur le tapis le projet d'une primaire, intitulée «votation citoyenne», qui concernerait tous les partis de la gauche avant les européennes de 2017.

Benoît Hamon semble nostalgique de sa victoire lors de la Belle alliance populaire du 29 janvier 2017. Son attitude contraste avec celle de François Fillon, vainqueur de la primaire de la droite, lui aussi vaincu à la présidentielle, mais qui demeure depuis en retrait de la vie politique.

L'élection aurait lieu du 7 au 14 avril sur internet ou sur un «lieu physique» le 14 avril, à un peu plus d'un mois des échéances européennes. Les listes seraient ensuite départagées au «scrutin préférentiel» pour provoquer «l'unité de la gauche et des écologistes.» Selon les premières consignes énoncées sur la plateforme déjà créée sur internet, cette élection s'adresserait  exclusivement aux citoyens qui se disent «de gauche et écologistes».

Est-ce que François de Rugy, membre du gouvernement actuel et ancien cadre d'Europe Ecologie-Les Verts peut faire partie des éventuels électeurs ? Est-ce que les écologistes, défendant le nucléaire comme l'énergie pilotable la plus propre, seront aussi acceptés dans le scrutin ? Dans une interview pour Le Monde, Benoît Hamon précise que cette nouvelle forme de primaire va être en tout cas proposée «à La France insoumise (LFI), au Parti socialiste (PS), aux Radicaux de gauche (LRDG), à Europe Ecologie-Les Verts (EELV), au Parti communiste (PCF), à Nouvelle Donne, à Diem25 [le mouvement de l’ex-ministre des finances grec Yanis Varoufakis], à Place publique [mouvement lancé par l’essayiste Raphaël Glucksmann], mais aussi aux collectifs citoyens attachés à plus de justice sociale et écologique».

Malgré le camouflet de la dernière présidentielle, Benoît Hamon pense qu'il représente toujours une personnalité à gauche influente. «Tout le monde veut Génération. s sur sa liste», assure-t-il ainsi.

L'Eurovision comme modèle de comptage des voix ?

Pour départager les candidats, les listes et unir tout ce beau monde, Benoît Hamon propose un système de décompte proche de l'Eurovision. «Ils devront choisir trois listes selon leur ordre de préférence. Ainsi, ils donneront trois points à la première, deux à la seconde et un à la troisième et tout le monde sera inclus dans le résultat», argumente l'ancien député socialiste.

Clairement, Benoît Hamon veut contenter un maximum de leaders politiques en leur attribuant des postes sur la liste d'union. Cela ne va-t-il toutefois pas frustrer les électeurs ? Quid de la cohérence politique in fine ? Cette liste ratatouille semble promettre un savoureux mélange dans lequel des accords d'appareil seraient légitimés par un vote.

Benoît Hamon reste malgré tout optimiste : «Il y a des points de programme sur lesquels on ne sera pas d’accord. Alors pourquoi pas un double vote : à la fois sur les listes et sur les éléments saillants des programmes.» Il devient dès lors difficile de suivre le procédé. Imaginons que La France insoumise accepte – cela semble peu probable – cette votation, la remporte mais que, dans le même temps, les électeurs choisissent d'écarter toute sortie de l'Union européenne (La France insoumise propose un plan B visant une éventuelle sortie de l'UE) et de protéger la filière nucléaire (comme le préconise le Parti communiste). Difficile alors d'assurer une cohérence...

Benoît Hamon balaie tout cela d'un revers de main : «On a besoin d’une irruption citoyenne, de donner la parole au peuple de gauche pour arrêter une liste et le programme qui va avec». Encore faut-il que la notion de «peuple de gauche» ait un sens. Alors que la sociologie électorale ne cesse d'évoluer et que les catégories ouvrières, autrefois très ancrées à gauche, se tournent vers le Rassemblement national, la définition du «peuple de gauche» est loin d'être claire – du moins Benoît Hamon ne la précise-t-il pas.

En outre, rien ne dit que le «peuple de gauche» se satisferait d'une alliance digne d'un cartel, au détriment d'un projet clair et identifié, notamment quant à l'Union européenne. N'oublions pas que l'hypothétique peuple de gauche a plutôt massivement suivi Jean-Luc Mélenchon lors de la présidentielle de 2017 (19.58% des voix) pour une campagne où le mot «gauche» était aux abonnés absents pour privilégier une stratégie d'union du peuple sans catégorisation. 

Bastien Gouly

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