Propulsé tête de liste Les Républicains (LR) pour les élections européennes de mai prochain par Laurent Wauquiez, François-Xavier Bellamy, suscite des interrogations au sein de la droite. Il faut dire que Les Républicains cherchent des solutions pour rebondir politiquement après la claque de la présidentielle et des législatives de 2017.
Les sondages pour les européennes ne sont d'ailleurs pas avantageux pour le parti, crédité d'environ 10% des intentions de vote. Le combat s'annonce peut-être même déjà perdu pour le parti et Laurent Wauquiez sait qu'il sera difficile de concurrencer le Rassemblement national (RN) ou La République en marche (LREM), tous les deux à plus de 20% dans les études d'opinion.
L'heure était donc venue pour le président de la région Auvergne-Rhône-Alpes de prendre un risque et de casser certains codes, à l'image de la campagne d'Emmanuel Macron en 2017. Poursuivant cet objectif, Laurent Wauquiez a donc privilégié une candidature, méconnue du grand public, jeune et clivante : François Xavier-Bellamy. A 33 ans, il est adjoint au maire de Versailles, ouvertement conservateur et eurosceptique.
François-Xavier Bellamy, le retour d'une idée européenne gaulliste au sein des LR ?
Tout d'abord, François-Xavier Bellamy a toujours revendiqué faire partie des partisans du «non» au référendum sur le traité constitutionnel de 2005. Un signal fort quand son parti actuel, baptisé à l'époque l'UMP, faisait lui campagne pour le projet européen. Cet agrégé de philosophie assume avoir eu pour référence l'ancien ministre eurosceptique de gauche Jean-Pierre Chevènement. S'il réfute toutefois l'étiquette de souverainiste, François-Xavier Bellamy ne croit ni en une nation européenne ni à une démocratie intégrée, ni à la «fiction» d'une armée européenne. Il prône plutôt «une alliance des nations souveraines». Un corpus idéologique qui fait écho à une vision gaullienne de l'Europe.
Au cours d'un entretien avec Le Figaro, le 22 janvier, François-Xavier Bellamy montre également les crocs contre l'Europe voulue par Emmanuel Macron. Il ne condamne pas la politique anti-immigration de Matteo Salvini, jugeant que «la tension installée par Emmanuel Macron avec l'Italie» lui semblait «contre-productive» pour répondre à la question migratoire. Interviewé dans l'émission Salut les terriens sur C8 le 19 janvier, il avait en outre répondu «oui» à la question de savoir s'il fallait limiter l'accueil des migrants.
Il s'est aussi montré favorable à une «renégociation» de l'accord de Brexit entre le Royaume-Uni et l'UE, ce que cette dernière refuse.
Des positions qui ne plaisent pas à la droite fédéraliste. Ancienne tête de liste LR à Paris et ministre d'Edouard Balladur entre 1993 et 1995, Alain Lamassoure, vice-président de la délégation française du groupe PPE (dont font partie Les Républicains) au Parlement européen, est monté au créneau sur Twitter : «[François-Xavier Bellamy] défend les Britanniques contre l’unanimité des Etats européens, combat l’accord avec le Canada contre le Parlement européen, et soutient Orban contre sa propre famille politique du PPE. Ignorance ou malignité ?»
Engagement auprès des Veilleurs, sorties sur l'IVG...
Mais finalement, François-Xavier Bellamy est davantage pris pour cible par ses détracteurs, notamment à droite, s'agissant de ses positions sur les sujets sociétaux. Proche des convictions de Sens commun, un mouvement politique conservateur hostile à l'ouverture du mariage aux couples homosexuels en 2013, il a participé au groupe des Veilleurs, très actif au sein de la Manif pour tous, lors des manifestations contre le mariage pour tous.
Peu sensible au profil de François-Xavier Bellamy, le député et président du parti centriste Union des démocrates et indépendants (UDI) Jean-Christophe Lagarde a considéré dans les colonnes du Figaro le 29 janvier que «la direction LR a[vait] confié la liste à l'extrême droite». «C'est désormais la liste de Sens commun avec Monsieur Bellamy», a-t-il ajouté.
Mais ce sont ses positions sur l'IVG qui ont valu le plus de critiques à François-Xavier Bellamy au sein de son propre camp. En 2014, il avait par exemple écrit sur les réseaux sociaux : «Tout le mensonge consiste à offrir ce drame aux femmes comme un "droit fondamental." Où est ce "progrès" dont il faudrait être fiers ?»
Ajoutons une position jugée par certains comme ambiguë sur la contraception : «On voit depuis 30 ans que plus on incite à la pilule, plus le nombre d'IVG augmente...»
D'aucuns voient des positions remettant en cause la contraception et la loi Veil de 1975 dépénalisant l'avortement. Jean-Christophe Lagarde considère ainsi dans Le Figaro que François-Xavier Bellamy «nous explique qu'il est contre l'avortement et contre la pilule en nous disant qu'il ne défendra pas ses convictions.»
«Ses convictions personnelles ne sont pas les miennes», a pour sa part reconnu l'eurodéputée sortante Rachida Dati (LR), sur France Inter le 29 janvier.
Depuis qu'il a été choisi comme tête de liste, François-Xavier Bellamy doit donc sans cesse se justifier sur ses prises de positions et tente de clarifier ses propos. Le 30 janvier sur LCI, il a dénoncé des «caricatures stupides» faites de lui et les fake news qui le visent, tout en affirmant ne pas vouloir revenir sur la loi Veil. «Mon seul propos sur la question de l'IVG consistait à dire qu'il fallait peut-être sortir d'un débat idéologique» et «se demander si on ne pouvait pas, en considérant simplement que l'IVG n'est jamais une bonne expérience pour une femme, tenter de mettre en place des politiques publiques qui permettent de faire baisser le nombre d'avortements», argumente-t-il, en prenant l'exemple des «femmes les plus précaires [...] qui ne peuvent pas mener leur grossesse à terme alors qu'elles le souhaiteraient».
Bellamy réfute toute union des droites
A peine mis sur le devant de la scène, François-Xavier Bellamy a ainsi rapidement dû se lancer dans la dédiabolisation de sa personne. Il conteste également toute volonté d'alliance avec le RN. Le doute pouvait être justifié puisque, fin novembre, Marion Maréchal (ancienne députée et figure du Front national) voyait dans la personnalité de François-Xavier Bellamy une opportunité «d'alliances».
François Xavier-Bellamy a matraqué dans Le Figaro du 22 janvier que cette union des droites n'était à ses yeux pas concevable : «Lorsque je vois le RN aborder cette campagne avec un vocabulaire de lutte des classes, je me sens bien éloigné de la vision qu'ils proposent !»
Mais peut-être que les opérations déminage sont un mal pour un bien. A travers François-Xavier Bellamy, Les Républicains provoquent un véritable buzz où personnalités politiques de toutes obédiences se positionnent sur le passé et les convictions du chef de file de la liste LR, à l'instar de la ministre macroniste Agnès Buzyn, sur Cnews le 31 janvier : «Je pense qu'il n'y a quasiment plus de barrière aujourd'hui entre cette partie-là des Républicains et le Front national [ancien nom du Rassemblement national] et je pense que, bientôt, ils n'auront de républicain que le nom.» François-Xavier Bellamy enchaîne par ailleurs les plateaux TV. Laurent Wauquiez réussit peut-être un premier coup de com', son poulain étant devenu un objet politique qui fascine.
Tiraillé, Wauquiez tend la main et à Zemmour et aux pro-UE
D'autre part, lorsque le 27 janvier, le président du parti a publiquement invité Eric Zemmour au siège du part et affiché sa complicité avec l'éditorialiste, on peut se demander s'il s'agit d'orienter Les Républicains vers le penchant souverainiste conservateur, voire réactionnaire, ou simplement de provoquer des effets de communication. Si l'intention peut être double, elle divise. A titre d'exemple, Valérie Pécresse, principale opposante à la ligne Wauquiez au sein du parti qui avait pourtant approuvé la candidature de François-Xavier Bellamy, ne cautionne pas cette proximité avec Eric Zemmour.
Laurent Wauquiez tente certainement de rassurer tant l'électorat filloniste pour les positions sociétales, que les éventuels gaullistes sociaux pour les positions européennes. Néanmoins, le cap n'est pas aussi clair que cela. En effet,à regarder de plus près la liste des Républicains pour les européennes, Laurent Wauquiez a bel et bien dû ménager la chèvre et le chou. En numéro 2, se trouve la présidente de la fédération LR de Paris et proche de Valérie Pécresse, Agnès Evren ; en numéro 3, Les Républicains ont placé l'eurodéputé juppéiste sortant, Arnaud Danjean. Un centre-droit pro-UE entourera donc François-Xavier Bellamy. Rachida Dati, critique vis-à-vis de François-Xavier Bellamy, est elle aussi en position éligible.
Avec François-Xavier Bellamy et Eric Zemmour, Laurent Wauquiez a voulu briser certaines convenances, tout en ménageant les différents courants de son parti. A quatre mois de l'échéance, il doit désormais convaincre les électeurs – à commencer par les sympathisants de la droite – que les coups médiatiques servent un projet politique européen clairement identifié.
Bastien Gouly
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