France

Prostitution : la pénalisation des clients peut se poursuivre en France

Saisi par des associations et des travailleuses du sexe, le Conseil constitutionnel vient de confirmer la conformité de la loi sur la pénalisation des clients, qui seront toujours passibles d'une amende s'ils ont recours au sexe tarifé.

Le Conseil constitutionnel a déclaré le 1er février la loi de 2016 relative à la pénalisation des clients des travailleuses du sexe «conforme» à la loi fondamentale

La loi en vigueur continuera donc à prévoir une amende pouvant atteindre 1 500 euros et 3 750 en cas de récidive, et jusqu'à 45 000 euros si la personne travailleuse du sexe est mineure ou vulnérable à cause de son état physique.

Après maintes observations émanant d'associations et auditions d'avocats d’associations, les sages ont estimé que de pénaliser les acheteurs de services sexuels, privait «le proxénétisme de sources de profits» et permettait de lutter contre «cette activité et contre la traite des êtres humains aux fins d'exploitation sexuelle». 

Neuf associations, dont Médecins du Monde, Aides, le Syndicat du travail sexuel (Strass) et une trentaine de prostitués avaient saisi le Conseil pour leur poser cette question prioritaire de constitutionnalité (QPC) contre la loi, dénonçant un texte qui portait, selon eux, atteinte à liberté d'entreprendre et au droit de disposer de son corps. Pour eux, ces actes peuvent être «accomplis librement entre adultes consentants dans un espace privé». Leur interdiction «porterait à la liberté des personnes prostituées et de leurs clients une atteinte non susceptible d'être justifiée par la sauvegarde de l'ordre public, la lutte contre le proxénétisme et le trafic des êtres humains ou la protection des personnes prostituées».

Les associations abolitionnistes comme le mouvement du Nid se sont quant à elles réjouies d’un «choix qui est au bénéfice des droits des personnes en situation de prostitution, qui conforte la position abolitionniste de la France et qui répond aux fortes attentes à l’international». La Fondation Scelles contre l'exploitation sexuelle a loué «une victoire du respect et de la protection de la dignité de la personne humaine et de la non marchandisation du corps en France».

La secrétaire d'Etat à l'Egalité femme-homme Marlène Schiappa s'est félicité dans une déclaration de cette décision du Conseil constitutionnel. «Les personnes prostituées doivent être associées pleinement à toutes les décisions politiques qui les concernent, c’est pourquoi nous continuerons à les consulter régulièrement», a déclaré Marlène Schiappa.

Dégradations des conditions de travail des prostituées

Ces propos ne manqueront pas de faire bondir les requérants qui soulignent les effets collatéraux de cette loi sur les travailleuses et travailleurs du sexe consignés «dans un rapport d’enquête nationale». Selon eux, la règlementation a fait baisser les revenus des travailleurs du sexe et les a obligés à accepter des rapports non protégés ou à exercer dans des endroits plus isolés, à l'écart de la police, les exposant davantage aux agressions.

Parmi eux, l'association Aides a publié les résultats d'une étude sur 600 travailleuses du sexe et dénonce les «dégradations catastrophiques consécutives à la loi de pénalisation des clients».

«Nous sommes des acteurs de terrain et nous voyons les dégâts de cette loi tous les jours», a déploré auprès de l'AFP Irène Aboudaram, de Médecins du Monde.

Les requérants ne comptent pas abandonner le combat. «Nous en appelons maintenant au législateur pour qu’il tire immédiatement les conséquences de l’impact sanitaire et sécuritaire catastrophique que la pénalisation des clients a sur les personnes se prostituant», ont-ils déclaré dans un communiqué.

Lire aussi : 1 900 très jeunes migrantes forcées de se prostituer pour passer la frontière franco-italienne