Plusieurs millions de Philippins votaient le 21 janvier sur la création d'une région autonome dans le sud de l'archipel, en application de l'accord de paix conclu en 2014 avec les rebelles musulmans, pour tourner la page de décennies d'une insurrection meurtrière marquée par les exactions menées par des islamistes liés à Daesh.
Des musulmans avaient pris les armes dans les années 1970 pour demander l'autonomie ou l'indépendance dans le sud des Philippines, pays à très grande majorité catholique, dans une région qu'ils considèrent comme leur terre ancestrale. Cette insurrection a fait 150 000 morts.
Le 21 janvier, 2,8 millions d'habitants étaient appelés à valider ou non la création de cette région autonome, qui se nommerait Région autonome Bangsamoro. Il existait déjà une région autonome – l'actuelle Région autonome musulmane de Mindanao (ARMM), qui a vu le jour à la faveur d'un accord signé en 1996. Mais la création de cette entité n'a pas réussi à faire cesser les conflits armés. La nouvelle région autonome devrait être plus grande et avoir davantage de pouvoirs.
Les électeurs semblaient s'être déplacés en nombre le 21 janvier et les observateurs s'attendent à ce qu'ils votent en sa faveur.
Le principal groupe rebelle, le Front Moro islamique de libération (Milf), avait signé en 2014 un accord de paix avec le gouvernement prévoyant d'octroyer l'autonomie à la minorité musulmane dans certaines parties de la grande île de Mindanao et des îles de l'extrême sud-ouest. Le vote et l'accord de paix est récusé par des insurgés liés au groupe terroriste Etat islamique qui ont mené un siège éreintant de cinq mois dans la ville de Marawi en 2017. Depuis, la région de Mindanao était soumise à la loi martiale.
Des groupes islamistes liés à l'EI
Environ 20 000 policiers et militaires ont été déployés, de crainte que des groupes rebelles islamistes ne cherchent à perturber le déroulement du scrutin. De fait, une grenade a été lancée avant l'ouverture du scrutin dans un bureau de vote de Cotabato City, mais n'a pas explosé.
Le gouvernement comme le Milf espèrent qu'une nouvelle région autonome et stable pourra attirer les investissements dans une zone dont la pauvreté a fait le lit du radicalisme. La Loi organique Bangsamoro, qui définit les contours de la nouvelle région, prévoit qu'elle reçoive au cours des dix prochaines années 950 millions de dollars (834 millions d'euros) de fonds de développement, ainsi qu'une partie des impôts collectés dans la zone. Le gouvernement central conserverait les pouvoirs de police dans cette zone incluant aussi les îles de Jolo ou Basilan. Mais les autorités locales seraient davantage impliquées dans les questions de sécurité.
Le président philippin, Rodrigo Duterte, qui est originaire de Davao, grande ville de Mindanao qui n'est pas dans les frontières de la région autonome, est de longue date partisan de la création de cette entité. La Loi organique prévoit aussi la démobilisation d'un tiers des combattants du Milf, qui seraient entre 30 000 et 40 000. La nouvelle région inclurait aussi la ville de Marawi.
Certains experts pensent que la création d'une région dans le sud jouissant d'une autonomie accrue est une des tentatives les plus convaincantes de ramener la stabilité dans cette zone. «Ce n'est pas la fin du combat», a déclaré pour sa part à la presse le dirigeant du Milf Murad Ebrahim, prédisant la victoire. «[La transition] est une nouvelle phase de notre combat qui sera plus difficile, peut-être car nous sommes notre propre ennemi», a-t-il ajouté.