Après avoir dédié son procès au Marquis de Sade, l'artiste russe Piotr Pavlensky a finalement été condamné, au terme de son audience le 10 janvier, à trois ans de prison, dont deux avec sursis, pour avoir mis le feu à une succursale parisienne de la Banque de France, en octobre 2017. Ayant déjà passé onze mois en détention provisoire, il ne devrait pas retourner en prison. Son ex-compagne Oksana Chaliguina, qui comparaissait comme lui pour «destruction du bien d'autrui par un moyen dangereux pour les personnes», a quant à elle été condamnée à deux ans de prison, dont 16 mois avec sursis.
Tous deux ont en outre l'interdiction de détenir une arme pendant cinq ans et devront payer 18 678 euros à la Banque de France au titre du préjudice matériel, et 3 000 euros au titre du préjudice moral – ce à quoi l'artiste russe a réagi en s'écriant en russe «Jamais !»
«Et vive les Gilets jaunes !»
Au cours de l'audience, Piotr Pavlensky a cherché à justifier son acte en affirmant qu'il s'agissait d'une performance artistique, intitulée «Eclairage», afin de dénoncer «le pouvoir de la finance». L'artiste russe a ainsi fustigé l'emplacement de la succursale de la Banque de France ciblée – «La banque de France, située place de la Bastille, c'est historiquement honteux» – avant d'exprimer l'une de ses revendications : «La seule chose que je veux, c'est déplacer la Banque de France de la place de la Bastille. Et vive les Gilets jaunes !»
Piotr Pavlensky a également estimé que le condamner revenait à «officiellement interdire l'art politique en France».
«Cette audience est assez exceptionnelle. [...] C'est l'audience où l'art rencontre le droit, où on oppose le code pénal et les recueils de poésie», a pour sa part déclaré le président du tribunal avant de rendre le jugement. «A travers l'expression artistique, il y a un geste qui a dégradé des biens, qui a représenté un danger pour les personnes. [...] Le juge et l'artiste ne peuvent se rencontrer», a-t-il toutefois déclaré, avant d'annoncer les peines.
Habitué aux coups d'éclat, Piotr Pavlensky a défrayé à de nombreuses reprises la chronique en réalisant des performances qu'il considère comme autant de revendications politiques. Il s'est, entre autres, cousu les lèvres en soutien aux Pussy Riot ou cloué la peau des testicules sur les pavés de la place Rouge. Il a également arrosé d'essence et incendié les portes du siège du FSB à Moscou, une action pour laquelle il avait été condamné à 500 000 roubles (7 900 euros) d’amende.