Malgré les appels répétés de l'exécutif visant à dissuader les Gilets jaunes de manifester à Paris et à travers la France pour l'acte V du mouvement le 15 décembre, notamment après l'attentat terroriste commis à Strasbourg par Chérif Chekatt le 11 décembre, il semble que les manifestants se soient malgré tout donné rendez-vous pour protester contre la politique du gouvernement.
Selon une annonce du préfet de police de Paris ce 14 décembre au micro de RTL, le déploiement exceptionnel des forces de l'ordre qui avait été décidé pour l'acte IV du mouvement le 8 décembre sera à nouveau mis en place le 15 décembre. Les 14 blindés à roues de la gendarmerie (VBRG) seront à nouveau déployés, ainsi que 8 000 hommes et femmes des forces de l'ordre. Ce dispositif a été qualifié d'«assez semblable» au précédent par Michel Delpuech : «Le volume sera du même ordre ; 8 000 personnes, à la fois les forces lourdes, c'est-à-dire les compagnies républicaines de sécurité (CRS), des escadrons de gendarmerie mobile et les éléments mobiles, les "chevaux légers".»
A peine sortis du commissariat, les mecs livraient des interviews aux médias après avoir dit "à la semaine prochaine" aux collègues
Le 13 décembre, certains Gilets jaunes ont affirmé que leur mobilisation donnerait lieu à un «acte V» et qu'ils rejetaient l'appel du gouvernement à suspendre leur mouvement, jugeant «insuffisantes» les mesures annoncées le 10 décembre par Emmanuel Macron pour tenter d'apaiser la contestation.
Pour l'acte V de cette mobilisation à Paris, l'idée, selon Michel Delpuech cité par l'AFP, est «de se préparer à la situation qui pourrait être la pire». Des contrôles seront ainsi menés «dès ce soir [14 décembre], pour détecter celles et ceux qui viennent à Paris pour en découdre en portant sur eux des armes par destination.»
L'acte IV a-t-il été bien géré ?
Lors de l'acte IV, près de 2 000 personnes avaient été interpellées à travers toute la France, dont plus de la moitié à Paris. Au micro de RT France, un groupe de policiers en colère a cependant dénoncé la communication qui a été faite autour de la gestion de l'événement du 8 décembre : «Les médias ont été arrosés de déclarations qui faisaient état d'un apaisement général des tensions, mais c'était un beau bordel en définitive, avec beaucoup de casse.»
Par ailleurs, cette même source fait valoir que les ressources mises en place pour procéder aux interpellations n'étaient pas corrélées aux besoins réels sur le terrain : «L'idée, c'était surtout de retenir les mis en cause en garde à vue toute la journée pour éviter qu'ils aillent faire des conneries en manif. On nous a même demandé d'attendre le plus longtemps possible avant de rendre compte au Parquet.»
Les médias ont été arrosés de déclarations qui faisaient état d'un apaisement général des tensions, mais c'était un beau bordel
Un autre policier précise : «Il y avait beaucoup d'officiers de police judiciaire pour traiter les flagrances, puisque tout le monde a été rappelé pour gérer les manifestations, mais tous n'ont pas pu bosser, faute de locaux et d'ordinateurs disponibles... Ce qui fait que les avis aux différents parquets n'ont pas pu être rendus dans le temps imparti et que les procédures ont été cassées... Mauvaise organisation et gros bordel, surtout avec toutes ces interpellations préventives à l'approche des manifestations. On a interpellé des individus qu'on a ensuite dû remettre en liberté après avoir simplement confisqué leur matériel.»
Les collègues parisiens vont encore morfler
Une autre fonctionnaire de police faisant partie d'un collectif en colère se montre assez pessimiste au sujet de la manifestation du 15 décembre : «Les collègues parisiens vont encore morfler. Ils rappellent des collègues, mais ils n'auront rien à disposition : pas de locaux, pas de matériel supplémentaire. C'est cette mauvaise organisation qui explique le traitement foireux des procédures la semaine dernière, avec très peu de de sanctions pénales. On a beaucoup parlé d'un calme relatif de ce dernier épisode et on a dit que c'était grâce aux interpellations préventives, mais à Lyon, il y en a quand même qui ont essayé de prendre l'hôtel de ville... Par contre, à Marseille, il y avait tellement de monde rappelé que les collègues se marchaient dessus dans les locaux. Tout ça pour quelques déferrements, qui se comptent sur les doigts d'une main dans certaines villes. A peine sortis du commissariat, les mecs livraient des interviews aux médias après avoir dit "à la semaine prochaine" aux fonctionnaires de police présents.»
L'idée, c'était de retenir les gardés à vue toute la journée pour éviter qu'ils aillent faire des conneries en manif. On nous a même demandé d'attendre le plus longtemps possible avant de rendre compte au Parquet.
Les stratégies communicationnelles du gouvernement autour du mouvement des Gilets jaunes, impliquant le déploiement des blindés de la gendarmerie, des chevaux et d'un contingent XXL, ont-ils eu l'effet de désamorçage escompté ? Si le déploiement «semblable» annoncé pour l'acte V est effectivement mis en place, cette nouvelle manifestation prendra-t-elle la même tournure que la précédente ? Réponse sur le terrain avec RT France ce 15 décembre.
Antoine Boitel
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