France

Environnement : pourquoi la France refuse-t-elle de taxer le kérosène ?

Quelques députés insoumis et Benoît Hamon souhaiteraient que le carburant des avions soit taxé. François de Rugy, le ministre de la Transition écologique, jadis favorable à cette taxe, a expliqué à RT France que ce n'était pas envisageable.

Quelques hommes politiques, dont des députés La France insoumise (LFI), ont porté plusieurs fois la question devant l'Assemblée nationale : puisqu'il est question de taxer les carburants, pourquoi omettre le kérosène, celui des avions, dont l'empreinte écologique est, selon le Réseau Action Climat, «14 à 40 fois plus de CO2 que le train par kilomètre parcouru et par personne transportée» ? Benoît Hamon, ancien candidat du Parti socialiste (PS) aux élections présidentielles de 2017, abonde dans leur sens. Recommandant d'imposer en premier lieu les bénéfices colossaux de la compagnie pétrolière Total, il s'est interrogé sur BFMTV le 11 novembre : «Pourquoi on ne taxe pas le kérosène des avions ? [...] Est-ce que vous trouvez normal qu’il n’y ait qu’un seul pigeon ?»

Lorsqu’il était député écologiste en 2010, François de Rugy, l'actuel ministre de la Transition écologique, partageait cette indignation. Alors député écologiste, il avait interpellé les parlementaires à l’Assemblée nationale : «Aujourd’hui le carburant le plus taxé, c’est le carburant des particuliers, c’est celui des automobiles, celui qui n’est pas taxé du tout, c’est le kérosène. C’est particulièrement choquant du point de vue écologique, au point de vue social, c’est une injustice majeure.»

Mais aujourd'hui, il n’est plus question de taxer le kérosène pour l’ancien Vert devenu ministre, comme on peut le voir dans cette vidéo de l'émission télévisée Quotidien.

Le transport aérien contribue pour plus de 2% aux émissions de CO2 dans le monde et à environ 5% au réchauffement climatique. Mais sa part augmente du fait de l’accroissement du trafic. Il semblait donc légitime d’interrogerFrançois de Rugy sur d’éventuelles mesures «prises sur le trafic aérien et routier». La question a été posée par RT France lors de la conférence de presse suivant le conseil des ministres, le 14 novembre. Le ministre a détaillé : «Sur le transport aérien et le transport maritime, ce sont des règles internationales, auxquelles la France souscrit, qui régissent la taxation des carburants.»

François de Rugy fait ici allusion à la Convention de Chicago, signée en 1944, un accord international qui a exempté le kérosène de taxes dans le monde entier pour développer l'aviation civile. Peut-être l’ignorait-il lorsqu’il était député ? Quoi qu'il en soit, il assure aujourd'hui agir au niveau international «pour faire évoluer ces règles dans le sens de la baisse des émissions de CO2». Pas question donc pour la France de taxer le carburant d’un vol international. Mais pourquoi ne pas agir sur les vols intérieurs ? Les avions français ne sont pas soumis à la TICPE, la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques, et bénéficient en outre d’une TVA à 10%. La réponse du ministre laisse entrevoir d’autres enjeux que l’environnement : préserver le secteur aérien. «Si il y a des mesures sur tel mode de transport, ça a toujours des effets sur l’équilibre économique général d’un secteur», commente-t-il.

François de Rugy a opposé plus tard les mêmes arguments à une consœur de Quotidien, qui l’interrogeait sur la taxation du kérosène à laquelle il était jadis favorable. «Ce que vous voulez, c’est qu’on renchérisse les billets d’avion ?», a-t-il demandé. Tout en assurant qu’il fallait agir sur la réduction des émission de CO2 de tous les transports, le ministre a répété qu’il convenait de «considérer l’équilibre économique général d’un secteur d’activité».

Les bateaux : une grave odeur de soufre

Quant au secteur maritime, François de Rugy a affirmé à RT France qu’une «transformation progressive de la motorisation des navires […] vers une motorisation au gaz naturel» était à l’œuvre. Il a annoncé que le fioul lourd allait être banni au fil du temps. Si le transport maritime compte seulement pour 3% des émissions de CO2 mondiales, il représente la moitié des émissions du fret. Même s'il convient d’œuvrer pour diminuer ces émissions, elles ne sont pas considérables étant donné que le fret maritime constitue 87% des tonnes de marchandises par kilomètre transporté. Outre le bilan CO2, le carburant très polluant utilisé par les navires dégage des particules et des gaz toxiques. Même en suivant les restrictions de pollution actuelles, un seul porte-conteneur produit autant d’oxydes de soufre qu’environ un million de voitures.

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