France

Lobbyiste de Danone et favorable aux OGM : la nouvelle secrétaire d'Etat à l'Ecologie inquiète

Dans le cadre du remaniement, Emmanuelle Wargon, directrice de la communication de Danone, devient secrétaire d'Etat auprès du ministre de la Transition écologique, sans expertise de la question. Sur Twitter, politiques et associatifs l'accablent.

La nomination d’Emmanuelle Wargon, ancienne directrice de la communication de Danone, au poste de secrétaire d’Etat à la Transition écologique, sans expérience dans ce domaine, a sidéré les réseaux sociaux. Militants écologistes et politiques ont soulevé de nombreuses questions quant à son parcours et ses prises de position, qui entrent selon eux en contradiction flagrante avec les chevaux de bataille de l’écologie.

Cette énarque de 47 ans n’est pas une nouvelle connaissance du chef du gouvernement puisqu’elle faisait partie de la même promotion qu’Edouard Philippe à l'ENA. Fille de Lionel Stoléru, ministre de Valéry Giscard d’Estaing et de François Mitterrand, elle a officié dans plusieurs cabinets ministériels après avoir étudié à Sciences Po et HEC. Tout d’abord auditrice à la Cour des comptes en 1997, elle est devenue conseillère technique auprès du ministre délégué à la Santé Bernard Kouchner en 2001 et 2002, dans le gouvernement Jospin. Puis elle a dirigé le cabinet du Haut-Commissaire aux solidarités actives 2007 à 2010, où elle fut notamment chargée du dossier du RSA.

Un temps adjointe au directeur général de l’Afssaps (aujourd’hui ANSM), l’agence de sécurité des produits de santé, Emmanuelle Wargon a aussi été trois ans déléguée générale à l’emploi et à la formation professionnelle au ministère du Travail, jusqu'en 2015.

Spécialiste de l’environnement ? Experte en questions énergétiques ? Pas le moins du monde. En revanche son poste de directrice des affaires publiques et de la communication du géant Danone, un poste stratégique d'influence, a ulcéré les responsables politiques qui y voient l’irruption manifeste des lobbies au ministère de l’écologie, déjà dénoncée par Nicolas Hulot en quittant ses fonctions en septembre dernier.

Avec Macron, l’écologie, c’est jamais sans les lobbys

David Cormand, porte-parole d’Europe Ecologie-les Verts (EELV) a ainsi blâmé ce choix politique. «Avec Macron, l’écologie, c’est jamais sans les lobbys», a-t-il persiflé sur Twitter.

Ian Brossat, chef de file du Parti communiste aux élections européennes, a lui aussi fustigé l'activité d'influence menée jusqu'ici par la nouvelle secrétaire d'Etat à l'écologie «tout droit sortie du groupe Danone où elle était chargée des affaires publiques, autrement dit... du lobbying». «Ces gens sont nés avant la honte. Ils ne se cachent même plus...», se désole-t-il.

Jacques Baudrier, conseiller de Paris pour le Parti communiste, a émis une critique reprise par un grand nombre d'utilisateurs de Twitter : l'inadéquation entre le type d'entreprise qu'est Danone et la grille d'analyse du combat pour l'environnement. «Une multinationale dont le premier marché est les USA. Le profil parfait pour l'écologie», glisse-t-il dans son antiphrase.

Le journaliste Nicolas Cori, co-fondateur du site Les jours, retweeté par David Cormand et Emmanuel Cosse, met de son côté en évidence l'incompatibilité entre les préoccupations majeures des défenseurs de l'environnement et les partis pris de la quadragénaire. Il a mis en ligne deux vidéos des rencontres économiques d'Aix-en-Provence en juillet 2018, au cours desquelles Emmanuelle Wargon est intervenue.

L'huile de palme ? «Un des ingrédients essentiels» des laits pour bébés

Dans la première, la nouvelle secrétaire d'Etat explique qu'il ne faut pas être «dogmatique» au sujet des organismes génétiquement modifiés (OGM), qu'elle envisage sous l'angle du progrès de la «science». Il s'agit pourtant de la bête noire des écologistes qui y voient une menace pour le vivant, la recrudescence de l'emploi des pesticides et l'assujettissement des agriculteurs à un nouveau produit breveté.

Emmanuelle Wargon explique dans la seconde vidéo que l'huile de palme est un des «ingrédients essentiels» du lait pour bébé, alors même que plusieurs marques réputées ont réussi à la retirer de leur formule sans dommage. Elle affiche donc son soutien à cette filière si contestée qui ravage la biodiversité dans le Sud-Est asiatique.

Thomas Porcher, membre des économistes atterrés, dénonce le choix de l'exécutif :«Macron ne fait rien pour le climat, il fallait bien qu’il recrute une spécialiste en #greenwashing et autres bluffs pour faire de la com sur du vide, #remaniement.»

Ivan le Roy, fondateur de l'Observatoire des multinationales rappelle en outre que «Danone fait partie des 25 entreprises françaises qui épuisent le plus les écosystèmes de la planète». 

Le géant de l'agro-alimentaire se classe également parmi les plus gros pollueurs de la planète, par le volume de déchets plastiques, derrière Coca-Cola, Pepsi et Nestlé. L'environnement idéal pour raccrocher aux «wargons» de l'écologie ?

Katia Pecnik

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