En mauvaise passe financière, le Rassemblement national (ex-FN) attendait ce 26 septembre une décision cruciale dans son bras-de-fer avec la justice pour faire annuler la saisie de 2 millions d'euros d'aides publiques ordonnée par les juges qui enquêtent sur les soupçons d'emplois fictifs au Parlement européen. La justice a finalement réduit le montant de la saisie à 1 million d’euros
«C'est une première victoire, je pense cependant que nous allons inscrire un pourvoi sur le principe même de la saisie qui me semble être un sujet et un vrai problème», a déclaré à la presse maître Rodolphe Bosselut, avocat de Marine Le Pen.
Depuis cet été, Marine Le Pen et les responsables du Rassemblement national ont multiplié les mots durs contre cette confiscation comparée à un «coup d’Etat» des juges et à un «assassinat politique». Cette décision «n'est absolument pas justifiée», a encore dit la présidente du RN sur Europe 1 le 23 septembre.
Le RN avait immédiatement saisi la chambre de l'instruction de la cour d'appel pour contrer l'ordonnance de saisie, signée le 28 juin par les juges d'instruction financiers Renaud Van Ruymbeke et Claire Thépaut.
Le parquet général demandait la confirmation de cette mesure, inédite pour un parti politique. Mais l'épreuve de force continuera probablement devant la Cour de cassation.
Concrètement, cette mesure conservatoire a privé le RN d'une partie de l'avance qu'il devait percevoir début juillet sur l'aide publique (4,5 millions d'euros par an) calculée selon ses résultats aux législatives.
Pourquoi cette saisie ? Dans leur décision, les magistrats avançaient «le risque» que le parti, «très endetté», ne s'en serve pour rembourser ses emprunts et ne soit plus en mesure de payer les amendes ainsi que les dommages et intérêts en cas de condamnation à un procès.
A huit mois des européennes, l'affaire empoisonne l'ex-Front national, déjà renvoyé en procès pour des soupçons d'escroquerie aux frais de l'État lors des législatives de 2012.
Saisis en 2016, les juges soupçonnent le parti et sa présidente d'avoir organisé un «système de détournement» des fonds européens réservés à l'emploi d'assistants parlementaires pour faire des économies sur la masse salariale de l'ex-FN, selon leur ordonnance.
Ouverte en 2015 après un signalement du Parlement européen, l'enquête repose en partie sur le rapport de l'Olaf, le gendarme antifraude de l'UE, et sur les «nombreux indices» réunis par les enquêteurs français. Notamment l'absence répétées des assistants parlementaires en question.
De son côté, le RN dénonce une mesure sans fondement légal et contraire au pluralisme démocratique consacré par la Constitution : «La survie même du Rassemblement national, premier parti d'opposition de France, est donc mise en péril», a estimé l'avocat du RN David Dassa-Le Deist dans son mémoire transmis à la cour.
Il aurait fallu selon lui prouver que l'argent saisi soit le produit de la fraude, or il n'y aucun lien entre la dotation attribuée par le ministère de l'Intérieur et l'affaire des eurodéputés, soutient-il. Le risque d'«insolvabilité» est en outre écarté, le parti étant assuré de recevoir plus de 4 millions d'euros d'aides publiques annuelles pendant la mandature.
L'information judiciaire cible 17 députés et les contrats d'une quarantaine d'assistants parlementaires. Les juges, qui ont procédé à ce stade à une quinzaine de mises en examen, envisagent de les requalifier en «détournements de fonds publics», synonymes de peines plus lourdes.