Accusé de viols, l'intellectuel musulman Tariq Ramadan espérait obtenir l'annulation de ses mises en examen en dénonçant des contradictions dans le récit des plaignantes, mais les juges ont rejeté le 20 juillet sa demande.
L'islamologue de 55 ans, qui conteste vigoureusement les accusations qui le visent, est mis en examen pour «viol» et «viol sur personne vulnérable», après les plaintes déposées par Henda Ayari, une ancienne salafiste devenue une militante laïque, et une femme surnommée Christelle par les médias. Il est incarcéré depuis le 2 février dans cette affaire qui a fait chuter cette figure aussi populaire que controversée de l'islam en Europe.
Les indices graves ou concordants qui ont présidé à la mise en examen de Tariq Ramadan subsistent
Dans une ordonnance de trois pages datée du 19 juillet, dont a eu connaissance l'AFP, les juges écrivent qu'Henda Ayari a eu des déclarations «hésitantes» quant à la date et au lieu du viol présumé. Mais, selon eux, «les indices graves ou concordants qui ont présidé à la mise en examen de Tariq Ramadan subsistent». Ils considèrent dès lors «prématurée» une annulation de la mise en examen, puisque des investigations sont toujours en cours.
Dans sa plainte initiale, en octobre 2017, Henda Ayari affirmait avoir été violée au début du printemps 2012, dans un hôtel de l'Est parisien. Elle avait ensuite fait évoluer son récit, évoquant alors la date du 26 mai 2012 et un lieu précis : l'hôtel Crowne Plaza de la place de la République.
Mais les récentes investigations ont mis au jour qu'elle se trouvait à cette date à Rouen, au mariage de son demi-frère. Le 19 juillet, lors de sa première confrontation avec celui qu'elle accuse, elle avait dit ne pas pouvoir donner une date précise pour les faits présumés.
Les juges estiment exacts les éléments fournis par la seconde victime
«Je me réjouis que les juges, qui connaissent le dossier, maintiennent la mise en examen de Tariq Ramadan», a réagi auprès de l'AFP Me Francis Szpiner, l'un des avocats d'Henda Ayari. «Cela clôt la séquence des petites manipulations et des intoxications médiatiques. Contrairement au triomphalisme de la défense d'hier, nous nous en tenons, nous, au dossier et à la vérité factuelle», a ajouté Me Jonas Haddad, qui est également son conseil.
En ce qui concerne Christelle, qui affirme avoir été violée le 9 octobre 2009 dans un hôtel à Lyon, les magistrats font valoir que les éléments matériels qu'elle a fournis «se sont révélés exacts» après les investigations, et que ses déclarations réitérées sont «circonstanciées et précises».
«Nous avons des motivations des juges qui nous confortent. Nous nous en réjouissons, même si nous n'étions pas inquiets. A travers cette décision, c'est la vérité du dossier qui apparaît», a déclaré à l'AFP Me Eric Morain, l'avocat de Christelle.
Contacté par l'AFP, Me Emmanuel Marsigny, l'avocat de Tariq Ramadan, n'était pas disponible pour réagir dans l'immédiat. Il avait annoncé le 19 juillet, après la confrontation, avoir déposé une nouvelle demande de remise en liberté de son client.
En garde à vue, l'islamologue, petit-fils du fondateur de la confrérie égyptienne islamiste des Frères musulmans, a reconnu avoir rencontré Henda Ayari et Christelle en public, une seule fois chacune selon lui, mais il a nié tout rapport sexuel.
En France, une troisième femme a porté plainte en mars contre le théologien : Mounia Rabbouj, une ancienne escort-girl, protagoniste du procès pour proxénétisme du Carlton aux côtés de Dominique Strauss-Kahn, affirme avoir été violée à neuf reprises en France, à Londres et à Bruxelles, de 2013 à 2014. Dans ce volet, Tariq Ramadan n'est pas mis en examen mais placé sous le statut intermédiaire de témoin assisté. Lors d'un interrogatoire en juin, il avait reconnu des relations sexuelles «consenties» avec elle.
A l'étranger, une quatrième femme a déposé une plainte contre lui, en Suisse, pour les mêmes faits.