«Crise», «malaise général», «mal-être», ou encore «perte de sens» : un rapport sénatorial diffusé le 3 juillet, dresse un tableau très sombre de l'état des forces de sécurité intérieure, et en particulier de la police nationale française.
Pour les sénateurs François Grosdidier (LR) et Michel Boutant (PS), qui ont piloté une mission d'enquête, les forces de sécurité intérieure «traversent incontestablement une véritable crise qui met en péril le bon fonctionnement du service public de sécurité».
«Le problème est institutionnel», s'est alarmé François Grosdidier en présentant le rapport au Sénat. «On a le sentiment que la hiérarchie et l'exécutif n'ont pas conscience du malaise ou, s'ils l'ont, qu'ils le refoulent», a-t-il ajouté.
Lancée après la vague de suicides qui a endeuillé les forces de sécurité à l'automne 2017, la mission d'enquête décrit des maux particulièrement répandus au sein des forces de l'ordre, dans un contexte de montée de la violence et de «sentiment de déclassement».
«Ce rapport est à l'identique de ce que nous dénonçons depuis des mois, et notamment l'écart qui ne cesse de se creuser entre les gradés, gardiens de la paix et adjoints et la hiérarchie», affirme le syndicat Unité SGP-FO.
Le texte fait état de «locaux délabrés et indignes de l'accueil du public», d'un taux de suicide dans la police supérieur de 36% à la moyenne nationale, d'une «pression opérationnelle constante» ayant engendré un stock de 21,82 millions d'heures supplémentaires pour l'instant non récupérées et non indemnisées, ou encore de rythmes de travail «pénibles et déstructurants».
«La situation est pire qu'on le pensait», avance François Grosdidier, qui poursuit : «Il y a une urgence absolue à mener une révolution culturelle.»
Le rapport Grosdidier/Boutant avance 32 propositions pour «contribuer à améliorer la situation». Il préconise notamment l'élaboration d'un «livre blanc de la sécurité intérieure» avant l'adoption de lois de programmation budgétaire pour pouvoir fixer un cap sur plusieurs années. «On met l'exécutif au pied du mur», assure François Grosdidier.
Beauvau défend son action
«Répondre à ce malaise a été la première priorité du gouvernement en matière de sécurité [...] Depuis un an, de très nombreuses mesures en faveur des forces de l'ordre ont été prises. Certaines commencent à donner des résultats», rétorque de son côté l'entourage du ministre de l'Intérieur, Gérard Collomb.
Outre l'engagement de créer 10 000 postes de policiers et gendarmes sur le quinquennat, Beauvau met en avant des «engagements financiers forts» par exemple «en matière d'investissement immobilier, avec 196 millions d'euros de crédits par an pendant trois ans pour la police (+5% par rapport à 2017) et 101 millions pour la gendarmerie (+9 % par rapport à 2017)». Pour les sénateurs cependant, ces efforts sont «totalement insuffisants» et «largement inférieurs de 450 millions d'euros aux besoins identifiés».
Le ministère fait aussi valoir la mise en œuvre au printemps 2018 de nouveaux plans de mobilisation contre le suicide des forces de l'ordre, même si ceux-ci ont été accueillis avec une indifférence polie en interne.