Ce 28 juin, RT France a été mis en demeure par le Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA) pour des «manquements à l’honnêteté, à la rigueur de l’information et à la diversité des points de vue» à propos d'un sujet sur la Syrie diffusé le 13 avril dernier. La présidente de RT France, Xenia Fedorova, a réagi : «Le président du CSA, monsieur Schrameck, m'a informé aujourd'hui de cette mise en demeure. La mauvaise association entre la traduction et une vidéo spécifique diffusée le 13 avril dernier était une erreur purement technique, qui a été corrigée. Nous maintenons que RT France couvre tous les sujets, y compris le conflit en Syrie, de la manière la plus équilibrée, en donnant la parole à toutes les parties. Nous avons convenu de continuer à travailler de manière productive avec le CSA pour maintenir la qualité supérieure de nos contenus.»
L'information a été massivement relayée dans les médias francophones. Un engouement qui s'explique par le fait que l'AFP, quelques minutes après la parution du communiqué officiel du CSA, a jugé que le sujet méritait une dépêche urgente – une dépêche dont la quasi-totalité des articles parus dans la foulée sont de purs et simples copier-coller.
Que nous est-il reproché ? Ce sont plus précisément des témoignages de civils en dialecte syrien et leur traduction qui sont pointés du doigt. «Le CSA a notamment observé "que la traduction orale des propos tenus par un témoin syrien ne correspondait en rien à ce qu’il exprimait à l’antenne"», constate l'AFP, qui s'arrête là.
En ne relayant que ces seuls éléments d'information, la dépêche laisse entendre que nous aurions agi sciemment, de manière malhonnête. Mais pourquoi ne pas reproduire l'intégralité des remarques du CSA ? La suite du communiqué apporte pourtant un éclairage indispensable à la bonne compréhension des faits : «Il est apparu que cette traduction se rapportait à une autre version plus longue de la vidéo, non diffusée.» Une version qui existe bel et bien, comme l'explique encore le CSA : «Les propos ayant fait l’objet d’une traduction erronée ont par ailleurs été tenus.»
Les propos ayant fait l’objet d’une traduction erronée ont par ailleurs été tenus
Autrement dit, RT France n'a pas inventé de toutes pièces un témoignage par le biais d'une traduction volontairement frauduleuse, comme le laissent croire de nombreux médias : ces propos ont bel et bien été tenus. Une mauvaise piste son a simplement été utilisée sur la vidéo en question. Le CSA estime qu'«un tel fait caractérise un manquement à l’exigence de rigueur» : il s'agit en effet d'une erreur technique légitimement blâmable et dont nous assumons toute la responsabilité.
Reste le second point soulevé par le CSA, qui concerne un autre témoignage : «La traduction orale attribuait l’ordre donné à la population locale de simuler les effets d’une attaque à l'arme chimique au groupe Jaïch al-Islam, alors que le témoignage ne désignait aucune organisation en particulier.» De quel témoignage s'agit-il ? De celui de Mohammed Khudr Mousa, un Syrien libéré à Douma des mains de Jaïch al-Islam interrogé le 12 avril. A son retour chez lui, il raconte face caméra à un pigiste de l'agence Ruptly ce qu'il a subi avec le groupe terroriste (l'intégralité de son témoignage est visible ici en arabe). Il évoque notamment les pénuries, la famine et la brutalité de Jaïch al-Islam vis-à-vis des habitants... ainsi qu'une fausse attaque chimique à laquelle il a été contraint de prendre part. C'est sur ce dernier point que portait le sujet diffusé sur notre antenne le 13 avril. Tout au long de son récit, Mohammed Khudr Mousa emploie le pronom «ils» pour désigner ses tortionnaires.
Les médias se sont empressés de relayer la phrase choc du communiqué du CSA, qui constate un prétendu «déséquilibre marqué dans l’analyse, sans que, sur un sujet aussi sensible, les différents points de vue aient été exposés». Pourtant, au cours du même JT, nous diffusions les déclarations de Donald Trump et d'Emmanuel Macron sur le sujet – des propos évidemment à l'opposé des témoignages de ces civils syriens. De quoi, selon nous, faire entendre deux sons de cloche, là où l'écrasante majorité des médias se contentent d'un seul, particulièrement sur un sujet aussi délicat que la Syrie. Peut-être est-ce là ce qui nous est implicitement reproché ?