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Qui sont ces «cols blancs» qui ont ordonné aux soldats de ne pas intervenir au Bataclan ? Interview

Qui a donné l’ordre aux huit soldats Sentinelle de ne pas entrer au Bataclan le soir des attentats ? L'avocate Samia Maktouf a confié à RT France avoir déposé une plainte contre X au nom de 17 familles de victimes, pour enfin obtenir des réponses.

Le soir des attentats du 13 novembre 2015, quelqu'un a donné l’ordre à huit militaires de l'opération Sentinelle de ne pas rentrer dans la salle de spectacle du Bataclan, mais qui ? Leur intervention, fusil d'assaut Famas au bras, aurait pourtant pu sauver la vie de nombreuses victimes, selon l'avocate Samia Maktouf, du cabinet parisien Sannier. Au nom d’un collectif de 17 familles de victimes, elle a porté plainte contre X ce 8 juin auprès du procureur de la République François Molins. Elle explique à RT France qu'elle attend des réponses de l’Etat.

«L'idée de cette plainte est de permettre aux familles de victimes de comprendre pourquoi les soldats Sentinelle ont eu pour instruction de ne pas pénétrer au Bataclan et, par conséquent, de ne pas intervenir afin de neutraliser les assaillants», argumente-t-elle. «Il n’appartient qu’au procureur de la République de Paris de décider de l’ouverture d’une instruction pour désigner les responsables : ces cols blancs qui ont décidé et donné des instructions claires pour qu’il n’y ait pas d’intervention des militaires de Sentinelle», assène-t-elle encore.

10 000 soldats de l'opération Sentinelle sont déployés en permanence sur le territoire national pour sécuriser les sites sensibles depuis janvier 2015. Le soir des attentats de Paris, quatre d'entre eux étaient positionnés à l'avant du Bataclan et quatre autres à l'arrière. Assurant la sécurisation des lieux à l'extérieur, ils ne sont pas intervenus dans la salle, alors qu'un commissaire divisionnaire de la brigade anti-criminalité s'est confronté seul aux terroristes. Avec son arme de poing, il réussira à en abattre un.

[Qui sont] ces cols blancs qui ont donné des instructions claires pour qu’il n’y ait pas d’intervention des militaires ? 

«En termes pratiques il aurait fallu huit secondes pour que les soldats puisent pénétrer dans l’enceinte de cette salle de spectacle», explique le conseil. «On aurait pu sauver des victimes, on aurait pu empêcher des hémorragies», poursuit-elle. Il s'avère en effet que les soldats avaient, en plus de leur arsenal, du matériel de premier secours. Des garrots, par exemple, dont manquaient les secours. De nombreuses victimes, blessées par balles, sont mortes sur place à cause d'hémorragies. Très peu de temps après les attentats, des voix se sont faites entendre sur le délai d'intervention des forces de l'ordre au Bataclan.

On aurait pu sauver des victimes

Au cours d'une Commission parlementaire dirigée par le député Les Républicains (LR) Georges Fenech, les acteurs présents le jour du drame ont été interrogés sur cette question. «Alors que 90 personnes ont trouvé la mort au Bataclan, la justification du gouverneur militaire de Paris de donner l'ordre aux soldats de pas intervenir de ne pas y pénétrer est à la fois alarmante, choquante et incompréhensible pour les familles», déplore Samia Maktouf. Le général Bruno Le Ray avait déclaré lors de son audition : «Il est impensable de mettre des soldats en danger, dans l'espoir hypothétique de sauver d'autres personnes.» L'avocate s'indigne de cette supposition, pointant le fait qu’après l’irruption du commissaire dans la salle avec son arme de poing, les tirs ont immédiatement cessé.

Dans ce long rapport, le général précise qu'aucune demande d’entrer dans le Bataclan ne lui avait été adressée. «Je n’ai donné aucune autorisation en ce sens [..] je vous répète qu’il était exclu que je fasse intervenir mes soldats sans savoir ce qui se passait à l’intérieur du bâtiment», s'est-il défendu. Les différents supérieurs des huit soldats ou forces policières ont également insisté sur le fait qu'ils ne pouvaient intervenir qu'en cas de légitime défense ou lorsque les agresseurs sont à vue. Les explications des divers intervenants, qui n'ont pas permis d’identifier le principal donneur d'ordre, avaient à l'époque «sidéré» Georges Fenech. 

Les familles attendent des réponses 

«Les politiques auraient dû aller plus loin, se saisir de ce rapport pour s’inquiéter. Cela n'a pas été le cas. Une atmosphère politique considérable a entouré ce dysfonctionnement», remarque l'avocate. Elle se défend enfin de viser directement les militaires qui, selon elle, «ont fait un travail exceptionnel» et n'ont fait qu'obéir aux ordres. «Les responsables doivent répondre de ce qu’ils ont fait. Il n’y a rien de pire que de ne pas comprendre les circonstances exactes du décès de ses proches. Les familles attendent des réponses pour que plus jamais ce genre de dysfonctionnement ne puisse arriver», conclut-elle.

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