Alors que plusieurs médias livrent depuis quelques jours une série de révélations sur d'importantes ristournes accordées par diverses entreprises à l'équipe de campagne d'Emmanuel Macron avant l'élection présidentielle de 2017, des questions se posent sur les choix de la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques (CNCCFP) dans le traitement de ce dossier.
En effet, le montant des réductions accordées à l'équipe d'Emmanuel Macron sur certaines prestations dépasse largement le seuil au-delà duquel la CNCCFP se fixe pour consigne de saisir la justice. Dans un document interne dont l'existence est révélée par Franceinfo le 8 juin, celle-ci détaille : «La Commission admet, en principe, que des rabais ou remises puissent être accordés dans une limite maximale comprise entre 15 et 20%.» Ce «guide du rapporteur» détaille même de manière claire la procédure à suivre si des réductions supérieures sont constatées : «Engager une procédure contradictoire pour rejet des comptes pour don de personne morale.»
Or, l'équipe de campagne d'Emmanuel Macron a bel et bien profité de réductions dépassant largement ce seuil. A titre d'exemple, lors de la location de la Maison de la Mutualité pour un meeting, elle a profité d'une ristourne de 26%. De quoi alerter la CNCCFP et, si l'on s'en réfère aux consignes qu'elle s'est elle-même fixée, enclencher une procédure. Mais rien de tel n'a eu lieu, les comptes de campagne d'Emmanuel Macron ayant été validés.
De son côté, la CNCCFP, interrogée par Franceinfo, explique que le document en question ne fixe qu'un «cas général, même si des remises supérieures peuvent dans certains cas être justifiées, au vu notamment des justificatifs fournis». De fait, le «guide du rapporteur» admet bien que des réductions supérieures à 20% peuvent être admises... mais uniquement si elles sont accordées à tous les candidats. Ce qui n'a pas été le cas.
Emmanuel Macron a par exemple obtenu une remise de 30% sur un contrat le liant à la société proposant le logiciel NationBuilder, qui permet de «gérer un fichier de contacts militants, d’animer un site web ou d’envoyer des SMS automatiquement». Or, François Fillon ou Jean-Luc Mélenchon, dont les équipes ont elles aussi signé des contrats avec la même société, n'ont pas bénéficié d'une telle remise.
L'association de lutte contre la corruption Anticor, toujours interrogée par Franceinfo, se montre sévère quant au mode opératoire suivi par la CNCCFP. Son président, Jean-Christophe Picard, explique qu'elle n’applique «ni le code électoral, ni ses propres documents». «Soit elle est dépassée, soit elle n’est pas assez courageuse : c’est dommage, parce que notre démocratie ira mieux lorsque chacun assumera ses responsabilités», ajoute-t-il.
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