Depuis sa diffusion, le tract du parti Les Républicains (LR) qui sera distribué à 1,5 million d'exemplaires dans toute la France ces 9 et 10 juin à l'occasion du «printemps des Républicains», opération de mobilisation des militants sous la forme de portes ouvertes des fédérations locales, fait polémique. Son intitulé d'abord, «Pour que la France reste la France», a provoqué l'ire de membres du mouvement de droite. En cause, la récupération d'un slogan utilisé à de nombreuses reprises par le Front national (FN), aujourd'hui Rassemblement national (RN).
L'entourage de Valérie Pécresse s'offusque
Les critiques émanent principalement de l’entourage de Valérie Pécresse, opposante interne numéro un du président Laurent Wauquiez, et de son mouvement Libres !, associé à LR. «C'est l'exemple de ce qu'il ne faut pas faire», a par exemple fait savoir au Figaro Maël de Calan, le vice-président de Libres !. Laurent Wauquiez «prend nos électeurs pour des idiots, en leur parlant à coup de slogans agressifs alors que la droite a besoin de propositions sérieuses», a-t-il encore commenté. Le député de l'Essonne, Robin Reda, a d'ores et déjà fait savoir qu'il ne distribuerai pas le tract en question. «Qu'on prenne les slogans du FN, je comprends la stratégie mais je ne distribuerai pas ce tract. Il ne témoigne pas d'un travail de fond des Républicains pour essayer de reconquérir l'opinion», s'est-il ainsi justifié au micro d'Europe 1, ce 6 juin. Le même jour sur Sud Radio, l'ex-candidate à la présidence du parti, Florence Portelli, a jugé la formule «un peu idiote» et «bébête», pointant « toutes les arrières-pensées qu’il y a dans ce slogan ».
Pourtant, comme l'a remarqué le journaliste de l'AFP Paul Aubriat, le slogan «Pour que la France reste la France», a déjà été utilisé par... le Parti socialiste (PS).
Plus récemment, le chef de l'Etat, alors candidat à la présidentielle, avait fait sienne cette formule. «Parce que, pour que la France reste la France, nous devons repartir à la conquête du progrès, de notre histoire et d’un progrès qui profite à tous», clamait ainsi Emmanuel Macron le 18 octobre 2017 à Montpellier.
Des références qui ont semble-t-il échappé à plusieurs membres des Républicains. «Voici donc le tract qu’il est demandé aux adhérents LR de distribuer : outrancier sur le fond comme sur la forme. Il ne suffit pas de dire que l’on ne veut pas d’alliance avec le FN, quand on en reprend et la rhétorique et les arguments», a fustigé Jean-Baptiste de Froment premier vice-président du groupe Les Républicains & indépendants du Conseil de Paris.
«A courir derrière le FN, le parti ira dans le mur», a également prévenu sur Twitter le maire LR de Palaiseau, Grégoire de Lasteyrie.
De la même manière, la conseillère de Paris Déborah Pawlik s'est émue de l'annonce de la distribution de ce tract. «J’ai cru à un fake au départ tant les messages sont aux antipodes de ce qu’était l’ADN [de LR] il y a encore quelques mois», souligne-t-elle dans son message, avant de consclure : «Honte !!!»
Car en plus du titre choisi par la direction des Républicains, le corps du tract affiche, sous le mode «il n'y a jamais eu autant de... et Emmanuel Macron...», des propositions chocs.
«Il n'y a jamais eu autant d'immigrés... et Emmanuel Macron laisse entrer un nombre d’immigrés jamais vu depuis 43 ans en nous disant que "c’est une chance"», peut-on par exemple y lire. LR propose pour «sortir la France de l'immigration de masse», la remise en cause du droit du sol, la restriction de l’immigration familiale et l'expulsion de 300 000 clandestins et des délinquants étrangers. Autre parallèle : «Il n'y a jamais eu une telle pression communautariste... et Emmanuel Macron refuse de défendre la laïcité, affirme qu’il n’y a pas une culture française et fait l’éloge de la diversité.»
Des propositions connues depuis près de deux mois
Pour le secrétaire général adjoint du parti, Julien Aubert, les atermoiements de certains membres des Républicains sont de «fausses pudeurs de gazelle». «C'est pour entretenir la petite musique du "oui mais quand même, on ne reconnaît pas nos Républicains à nous". Je crois qu'il s'agit plus d'une tentative de déstabilisation qu'autre chose», estime-t-il ainsi.
Car les nombreuses assertions rédigées dans le tract sont en fait la retranscription fidèle des «12 propositions des Républicains en matière d'immigration» diffusées le 18 avril 2018 en clôture de la convention intitulée «Comment réduire l'immigration». Elle reposaient notamment sur une grande consultation des militants au sujet de l'immigration qui avait recueilli plus de 10 000 réponses.
Pêle-mêle, Les Républicains proposaient de «ramener systématiquement dans leur lieu de départ les bateaux [de migrants] interceptés dans la Méditerranée », de «reconduire à la frontière les 300 000 clandestins en cinq ans» ou encore d'«interdire à vie toute régularisation d’un étranger entré illégalement en France ». Sur Twitter, Laurent Wauquiez faisait savoir le soir même que la droite devait «porter un discours clair sur l'immigration», défiant «le politiquement correct». «Les Français attendent une politique ferme en matière d'immigration», concluait-il.
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