Alors que l'Assemblée nationale se penche sur la proposition de loi du groupe de la majorité présidentielle La République en marche (LREM) sur «la manipulation de l’information», Marine Le Pen signe une tribune pour le magazine mensuel Causeur sur le sujet. La présidente du Rassemblement national (RN, anciennement Front national) tire à boulets rouges sur cette proposition de loi qu'elle estime «liberticide».
Citant Diderot sur la liberté de la presse, Marine Le Pen assène : «J’aimerais qu’Emmanuel Macron médite ces quelques lignes, alors que les députés de sa propre majorité s’apprêtent à considérablement réduire nos libertés d’expression, d’information, et peut-être d’opinion», et ajoute : «Calomnie, diffamation et mensonges [doivent] être combattus. Mais l’arsenal législatif en vigueur était déjà largement suffisant.»
Si cette proposition est votée, les valeurs les plus essentielles que consacre notre Constitution et, plus profondément, les valeurs de la démocratie, seront bafouées
La présidente du RN estime également que la définition d'une «fausse information» fournie par «les marcheurs de l'Assemblée» n'est pas recevable : «Telle que définie dans le projet de loi, la "fausse information" couvre un champ d’application beaucoup trop large ; disons-le, liberticide», et de pronostiquer : «Si cette proposition est votée, les valeurs les plus essentielles que consacre notre Constitution et, plus profondément, les valeurs de la démocratie, seront bafouées.»
Pour illustrer ses propos, Marine Le Pen revient aussi sur quelques affaires révélées notamment par la presse à travers l'Histoire : «La révélation de l’existence de Mazarine au début des années 1980, les fuites sur la remise de la Francisque à François Mitterrand des mains du maréchal Pétain, le Watergate, les premiers articles consacrés au compte en Suisse de Jérôme Cahuzac, sans parler de l’intégralité des textes religieux ; même, en remontant dans le temps, la rotondité de la terre aurait été, à certains moments de notre histoire, une fausse information !»
Cette procédure est déraisonnable. Notons par ailleurs que cette loi s’appliquera aussi lors des référendums… Que de dérives à prévoir !
La présidente du RN émet également des critique à propos du court délai de procédure (48 heures) imposé au juge des référés qui serait saisi d'une demande en cas d'une fausse nouvelle supposée. Elle rappelle également que si le texte porte prioritairement sur les périodes électorales, il concernera également les périodes référendaires : «Le tribunal de grande instance de Paris se verra confier l’extrêmement difficile tâche de dire dans un délai des plus brefs si une information est fausse, puis devra dans la foulée et, en moins de 48 heures, demander le retrait du contenu incriminé, le déréférencement du site l’ayant propagé et la désactivation des comptes l’ayant relayé sur les réseaux sociaux. Cette procédure est déraisonnable. Notons par ailleurs que cette loi s’appliquera aussi lors des référendums… Que de dérives à prévoir !»
Les Français «infantilisés», selon la présidente du RN ; pas de «vérité officielle», selon Ciotti
Marine Le Pen évoque pour finir une «infantilisation des Français» et une «restriction des libertés fondamentales», ainsi que l'«inflation législative» et l'«engorgement des tribunaux» pour faire valoir que cette proposition de loi n’a quasiment que des «défauts majeurs de conception» et devrait «indigner» l’ensemble de la classe politique. Avant de conclure : «Avec ce texte, les députés de la majorité s’engagent sur un chemin incompatible avec la démocratie en hypothéquant des libertés que nous pensions, probablement à tort, définitivement acquises.»
La proposition de loi n'indigne pas qu'au RN. Il est à noter que, le 5 juin également, le député des Républicains (LR) Eric Ciotti, a publié un tweet allant dans le même sens : «Il y a avec ce texte Fake News une volonté de reprise en main extraordinairement forte des médias par le pouvoir. Je déposerai plusieurs amendements, il ne peut y avoir de vérité officielle en démocratie.»