Pourquoi des députés, parfois de bords politiques différents, se retrouvent-ils à proposer les mêmes amendements, à la virgule près ? A l'Assemblée nationale, la pratique est ancienne et connue. Des association de défense d'intérêts, le plus souvent des lobbys, rédigent des propositions d'amendements qu'ils soumettent aux députés. Certains ne font pas de formalité et les déposent tels quels en commission. Un tour de passe-passe qui peut bien souvent passer inaperçu... sauf lorsque 16 députés soumettent le même texte.
C'est précisément ce qu'il s'est passé ce 28 mai : un amendement recopié 16 fois a été adopté par la majorité, selon les informations de l'édition du 30 mai du Canard Enchaîné. L’amendement CE 1176 en question a pour but d'autoriser à titre expérimental l'épandage par drone de produits phytopharmaceutiques sur les vignes plantées en forte pente. Un texte «soufflé» par l'Association des régions européennes viticoles, croit savoir le palmipède, l'organisation n'ayant pas digéré l'interdiction voilà deux ans de l'épandage aérien.
Le ministre de l'Agriculture et de l'Alimentation, Stéphane Travert, a également subi personnellement de nombreuses attaques sur son projet de loi, notamment de la part des écologistes qui décrivent un ministre sous influence. «C’est vraiment le prince des lobbies», a par exemple répété le député européen écologiste Yannick Jadot, ce 28 mai, sur la chaîne LCP. Le lendemain sur France Inter, l’eurodéputé avait poursuivi : «C’est le lobby de la malbouffe, le lobby de la souffrance animale, le lobby de l’industrie concentrationnaire qui a dicté la loi et gagné contre la société, contre la santé, contre l’environnement et contre tous les paysans.»
L'amendement qui autorise à titre expérimental l'épandage par drone de produits sanitaires sur les vignes en pente a fait l'objet de vifs échanges en commission, les députés se demandant quel était l'auteur réel du texte.
Dites-nous de qui émanent ces amendements, avec la même transparence que nous
Le député La France insoumise (LFI) Loïc Prud’homme a expliqué au quotidien Libération avoir posé la question sans obtenir de réponse. «Est-ce qu’il vient des marchands de drones, des fabricants de pesticides ou du lobby du vin ?», s'est-il interrogé. En retour, le gouvernement a botté en touche. Mésaventure similaire pour le député LFI François Ruffin. Il a questionné Stéphane Travert, sans réponse. «Dites-nous de qui émanent ces amendements, avec la même transparence que nous», lui a-t-il ainsi intimé. «Viennent-ils de la CGT ?», a-t-il ensuite interrogé ironiquement.
Avec la députée non-inscrite Delphine Batho, il fait partie de ceux qui annoncent la provenance de certains de leurs amendements (Fondation pour la nature et l’homme, Foodwatch ou encore Association des familles victimes du lait contaminé aux salmonelles). Une transparence que ne s'applique pas à tous leurs collègues de l'opposition... et encore moins à la majorité gouvernementale.