France

Secret des affaires : le Sénat va plus loin que le gouvernement

Le Sénat a adopté la proposition de loi pour protéger le «secret des affaires» malgré l'opposition de la gauche. Contre l'avis du gouvernement, il a élargi la définition du secret des affaires aux informations qui ont «une valeur économique».

Les sénateurs ont fait du zèle dans la nuit du 18 au 19 avril concernant la proposition de loi pour protéger le «secret des affaires». Le Sénat a ainsi élargi le secret des affaires aux informations qui ont «une valeur économique», le texte initial quant à lui évoquait simplement les informations qui avaient une «valeur commerciale». Un choix effectué contre l'avis du gouvernement.

Le texte, déjà adopté à l'Assemblée nationale, a recueilli 248 voix pour et 95 contre, celles des sénateurs de gauche. Il fera à présent l'objet d'une commission mixte paritaire qui sera chargée de trouver une version commune aux deux chambres. Il transpose une directive adoptée par le Parlement européen en juin 2016 après 18 mois de vifs débats. Une vingtaine de sociétés de journalistes, ainsi qu'une cinquantaine de lanceurs d'alerte, de syndicats, comme le Syndicat national des journalistes (SNJ) ou d'associations ont exprimé leur opposition à l'adoption de la proposition de loi.

«On vient d'adopter à marche forcée un texte contesté», a accusé Fabien Gay (CRCE, à majorité communiste), dont les propos ont été rapportés par l'AFP. «ONG, lanceurs d'alerte, chercheurs, journalistes, représentants syndicaux, tous ceux qui se battent pour l'intérêt général verront leur combat compliqué», a-t-il ajouté. Lors de son intervention au Sénat, Fabien Gay a dénoncé : «Le secret des affaires prime dans ce texte et les libertés fondamentales sont reléguées aux rang d'exception à la règle.»

«Marche forcée, absence d'étude d'impact, les griefs sont nombreux», a jugé de son côté le sénateur de Saône-et-Loire Jérôme Durain (groupe socialiste et républicain) pour l'AFP. «Ce texte n'atteint pas l'équilibre entre protection du secret des affaires et liberté d'expression», s'est-il inquiété.

Lors du débat, la ministre de la Justice Nicole Belloubet a reconnu que «certains secrets pouvaient être divulgués dans un but d'intérêt général par des journalistes et des lanceurs d'alerte, et pour l'exercice des droits des salariés au sein de l'entreprise». «Les juridictions, gardiennes des libertés individuelles, feront la balance des intérêts en présence en veillant à ce qu'aucun lanceur d'alerte ne soit condamné», a-t-elle assuré.

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