Que contient le projet de loi asile et immigration ? Le texte décrié à droite pour son «laxisme» et à gauche pour sa dureté divise même au sein du groupe présidentiel à l'Assemblée, où il est débattu du 16 au 20 avril. Quelque 1 000 amendements ont déjà été déposés.
En l'espèce, le projet de loi pour une immigration maîtrisée et un droit d'asile effectif, porté par le ministre de l'Intérieur Gérard Collomb, qui se disait fatigué «de passer pour le facho de service» en décembre selon Le Canard enchaîné, veut jeter les nouvelles bases d'une immigration «maîtrisée» tout en redonnant sa qualité humanitaire à la notion d'asile.
Ainsi sont prévus un plan d'action sur les migrations climatiques, la fin du statut de pays sûr quand les droits LGBT ne sont pas respectés, une amélioration des dispositifs pour les «Dublinés» (les réfugiés qui auraient dû déposer leur dossier dans le pays européen par lequel ils sont arrivés dans l'Union européenne), ainsi qu'un encadrement du recours à la vidéo audience au sein de l’Office français de protection des réfugiés et apatrides (Ofpra).
Et en même temps...
Outre ce chapitre semblant ménager la rive centre-gauche du Palais Bourbon ainsi que certaines sensibilités post-socialistes du parti présidentiel, le texte proposé par le gouvernement fait également montre d'une certaine fermeté.
On voit bien qu’il s’agit de donner un signal plus que d’être efficace
L'idée d'un droit à l'accès au travail dès le dépôt de la demande n'a pas été retenu et le regroupement familial pour les enfants mineurs devrait rester limité aux seuls parents. Concernant la rétention des mineurs, le gouvernement a tranché pour un délai de 15 jours pour tout recours de décision d'asile, contre un mois actuellement. Enfin, pour les demandeurs d'asile devant être expulsés et faisant obstacle à cette mesure, la durée de rétention restera à 135 jours et à 45 jours en l’absence d’obstruction.
Cité par le journal Le Monde, Serge Slama, professeur de droit public à l’université Grenoble-Alpes possède une opinion tranchée à propos de cette mesure : «On voit bien qu’il s’agit de donner un signal plus que d’être efficace. Le gouvernement veut avant tout dissuader les migrants de venir en France.»
Les associations de défense des migrants ont également dénoncé un allongement de la retenue administrative pour vérification du droit au séjour qui passera de 16 à 24 heures, tandis que les pouvoirs d’investigation des policiers seront renforcés.
On le comprend, c'est surtout un accroissement du tempo des procédures qui est pointé, ce qui présente un double avantage pour le gouvernement : pouvoir expulser plus rapidement tout en usant de l'argument selon lequel cette manière de faire serait à la fois plus humaine et plus efficace.
Une fronde à LREM ?
Si la loi déplaît à droite comme à gauche, ce véritable test pour l'exécutif rappelle également que le gouvernement Philippe n'a pas besoin d'une Assemblée entièrement acquise à sa cause pour gouverner, fort des 312 sièges occupés par le parti présidentiel pour 577 disponibles.
Pourtant, le texte divise et le front LREM lui-même accuse quelques fissures : au sein des rangs du parti présidentiel, ce sont quelque 200 amendements qui ont été déposés sur ce texte sur le millier qui sera débattu à l'Assemblée. Les discussions ont été agitées dès l'examen du texte en commission et une vingtaine de contestataires LREM ont été rappelés à l'ordre par le président de leur groupe Richard Ferrand. A ce titre, l'ex-socialiste Jean-Michel Clément a d'ores et déjà annoncé qu'il voterait contre ce texte à «la logique répressive». D'autres pensent s'abstenir.
Gauche et droite, vent debout
Du côté de La France insoumise, on évoque «une logique de la peur» et un projet «inutile et dangereux», tandis que les socialistes estiment que la loi «tourne le dos [aux] principes constitutionnels».
Un rassemblement appelant à «résister à bras ouverts» contre la loi et auquel participait l'insoumis Eric Coquerel se tenait le 16 avril aux alentours du Palais Bourbon.
Le républicain Eric Ciotti estime pour sa part que «globalement la politique qu'exprime ce texte ne répond en rien à l'ampleur et à la gravité des défis migratoires» et son groupe entend porter des propositions selon les trois principes suivants : «pas de nouvel appel d'air en direction des migrants» ; «la France doit pouvoir expulser les déboutés du droit d'asile et les clandestins» ; «la France doit pouvoir choisir qui elle accueille sur son territoire». Selon l'hebdomadaire Le Point, la droite trouve que le projet du gouvernement fait preuve de «laxisme» et d'«ambitions bien modestes».
Plus radicale, la présidente du Front national Marine Le Pen juge que ce texte va «accélérer» l'immigration en France.
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