France

19 fichés S sont déjà passés à l'acte... Comment ce mode de surveillance fonctionne-t-il ?

Après les attentats de Carcassonne et de Trèbes, la classe politique française relance le débat de l'efficacité du fichier S et de son utilisation. Si certains dénoncent la «naïveté» de l’exécutif, d'autres estiment que le fichier S est efficace.

Après les attentats du 23 mars commis par le franco-marocain Redouane Lakdim à Carcassonne et à Trèbes, des critiques ont été émises par une partie de la classe politique française qui ont questionné l'efficacité du fameux fichier S.

L'initiale de la fiche S correspond à la dénomination «sûreté de l'Etat». Ce fichier est l'une des 21 sous-catégories du plus ancien fichier de police : le Fichier des personnes recherchées (FPR) créé en 1969 pour recenser les personnes recherchées ou surveillées de près ou de loin par les services de renseignement. Le FPR comporterait actuellement près de 400 000 noms.

Le fichier S est lui-même composé de 16 sous-divisions qui ne correspondent pas à la dangerosité potentielle des personnes mais aux actions à entreprendre pour les membres des forces de l'ordre qui sont confrontées à ces personnes lors d'une intervention. Mohammed Merah, «le tueur au scooter» de Toulouse était ainsi classé S5 (qui impliquait de signaler ses passages à la frontière, mais pas de fouiller ses bagages, ni de le surveiller sur le territoire français), tandis que les suspects revenus de Syrie ou d'Irak sont par exemple classés S14 (le fichage des revenants du djihad).

Depuis 2014, 19 suspects figurant au fichier S sont passés à l'acte en France ou en Belgique. Parmi eux, on retrouve notamment les noms de Mohammed Merah, des frères Kouachi, Ayoub El Khazzani qui avait attaqué un train Thalys en août 2015 ou encore Sarah Hervouët et Inès Madani qui avaient été interpellées après avoir abandonné un véhicule transportant des bonbonnes de gaz près de la cathédrale Notre-Dame de Paris en vue d'un attentat.

La classe politique s'interroge

Dès le lendemain de l'attentat du 23 mars, des élus ont réitéré leurs interrogations sur les réseaux à propos de l'efficacité réelle du fichage S.

L'élue LR des Bouches-du-Rhône Valérie Boyer a notamment estimé : «Un étranger condamné ou faisant l'objet d'une fiche S ne doit pas accéder à la nationalité française et doit être immédiatement expulsé.»

La députée européenne du Front National, a également plaidé pour une «expulsion» des fichés S du territoire national et a rendu hommage au gendarme qui a échangé sa vie contre celle d'une otage du Super U : «Un mort de plus au nom de l'islam, trop de morts à cause des fichés S.»

Invité sur le plateau Radio J le 25 mars, Le député LR Geoffroy Didier a pour sa part dénoncé la «naïveté» du gouvernement en matière de terrorisme et a estimé : «Il suffit de regarder le pedigree [de Redouane Lakdim] pour comprendre qu'il était un terroriste en puissance : condamné pour détention d'armes prohibées, fiché S [...], très actif sur les réseaux sociaux salafistes...»

Je demande qu'on mette ces personnes hors d'état de nuire

L'élu s'est aussi fait le porte-voix du chef de file de sa famille politique en soulignant : «[Laurent Wauquiez a été] le premier à demander l'internement des fichés S les plus dangereux.» Geoffroy Didier a également réclamé une «loi d'exception» : «Je demande qu'on mette ces personnes considérées comme dangereuses par les services de renseignement hors d'état de nuire.»

«La surveillance est très efficace», selon l'expert Guillaume Bigot

L'expert en terrorisme, Guillaume Bigot, juge quant à lui que le fichier S remplit bien son rôle et il s'est félicité sur le plateau de RT France que ces individus figurent au fichier S : «Le fait que la plupart de ceux qui passent à l'acte soient fichés S, signifie en fait que le balayage opéré par les services de renseignement est tout à fait adéquat. Si on avait beaucoup d'actes qui étaient perpétrés par des gens qui n'avaient pas été repérés, ce serait un signal très inquiétant.»

Le phénomène a dépassé les capacités de surveillance

L'expert a également tenu à rappeler que face à la menace terroriste, les services français ne peuvent pas empêcher tous les passages à l'acte : «Il y a 4 300 fonctionnaires à la DGSI, 2 000 ou 3 000 fonctionnaires à la gendarmerie, police et au ministère de l'Intérieur qui ont une mission opérationnelle de surveillance. Il faut bien imaginer que surveiller quelqu'un pour être en mesure d'empêcher un passage à l'acte, qui peut-être soudain, cela signifie une équipe de plusieurs personnes. Donc le phénomène a dépassé les capacités matérielles et humaines de surveillance.»

Selon Guillaume Bigot, les missions de surveillance sont donc bien réalisées en France : «En l'état actuel de la menace, la surveillance est très efficace, ce qui fait que beaucoup de gens ne vivent pas avec la peur au ventre.»

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