France

Humiliées et insultées, des jeunes filles victimes de harcèlement à la prépa de Saint-Cyr

Le 23 mars, le journal Libération a révélé l'ampleur du sexisme au sein du lycée militaire de Saint-Cyr-l'Ecole. Certaines filles se disent en effet victimes d'humiliations ou de persécutions. Le gouvernement promet d'agir.

Insultes, humiliations, marginalisation : plusieurs jeunes femmes dénoncent dans Libération le harcèlement moral dont elles ont été victimes à la prépa militaire de Saint-Cyr,voie royale vers une carrière d'officier, déclenchant une vague d'indignation au sein du gouvernement, qui promet de sévir.

C'est une lettre, envoyée en décembre 2017 au président Emmanuel Macron qui lance l'affaire. Dans cette missive, une jeune fille de 20 ans, élève en classe préparatoire au lycée militaire de Saint-Cyr-l'Ecole (Yvelines), confie se sentir «persécutée» par un groupe de garçons, les «tradis».

«J'ai honte d'avoir voulu aller dans une armée qui n'est pas prête à recevoir les femmes», écrit-elle, en dénonçant la misogynie et le sexisme subis quotidiennement par de nombreuses élèves, surnommées les «grosses». 

Selon la quinzaine de témoignages publiés le 23 février par Libération, ces «tradis», un petit clan ultraconservateur, sévissent depuis des années en vue de «broyer les ambitions» des jeunes femmes, en concurrence avec eux pour intégrer la prestigieuse Ecole spéciale militaire de Saint-Cyr à Coëtquidan (Morbihan), qui forme les futurs officiers de l'armée de terre.

«Chez les tradis, les filles de classe prépa sont le diable. Elles sont des pestiférées, les voleuses de concours, qui devraient plutôt s'occuper du foyer, les ennemies à éliminer», témoigne un «tradi» repenti, qui a quitté la prépa en février dernier.

Le gouvernement et l'armée réagissent

«Il est inacceptable au XXIe siècle que des jeunes filles soient l'objet de telles discriminations», a réagi le 23 mars la ministre des Armées Florence Parly au micro de RTL. Elle a évoqué la possibilité d'«exclusions» ou de «sanctions éventuelles contre le corps enseignant, si celui-ci ne prend pas les mesures qui conviennent».

«C'est tolérance zéro. Nous redoublerons d'efforts pour que ce comportement de minorité, car il s'agit bien d'une minorité agissante, cesse», a-t-elle ajouté.

«Le harcèlement est inadmissible. [...] Que cela se passe à Saint-Cyr, malgré les premières alertes, m’est insupportable. Comptez sur moi pour faire prendre les mesures nécessaires», a renchéri sur Twitter la secrétaire d'Etat auprès de la ministre des Armées, Geneviève Darrieussecq.

Le dossier est en effet connu au sein du ministère. 

Depuis 2014, une inspection générale a lieu tous les ans dans chacun des établissements scolaires militaires, donnant lieu à un rapport. Or, «il se trouve que dans certains établissements, et en particulier un, des agissements inacceptables se poursuivent», a affirmé Florence Parly.

«Les faits sont malheureusement connus, mais ils sont suivis de manière extrêmement attentive par le commandement et le cabinet de la ministre», assure-t-on au sein de l'armée de terre. Celle-ci précise que «dans la majeure partie des classes prépa, il n'y a plus de problème avéré».

En 2015, la section Sciences économiques de la prépa Saint-Cyr a été supprimée, en réaction à des «comportements discriminatoires à l’égard des élèves féminines» et des «conduites vexatoires et blessantes» de la part des «tradis».

Aujourd'hui, «il reste une classe prépa Lettres problématique», où se joue «une lutte souterraine entre deux groupes», perdurant d'année en année et «difficile à démêler», fait-on valoir à l'armée de terre.

«Cette situation est totalement contraire aux valeurs de la République et plusieurs des faits rapportés, s’ils sont vérifiés, peuvent tomber sous le coup de la loi», a réagi le 23 mars la secrétaire d'Etat à l'Egalité femmes-hommes Marlène Schiappa.

«Nous ne tolérerons pas qu’une minorité maltraite des femmes et salisse l’image des armées dont la grande majorité des responsables a au contraire à cœur d'assurer un traitement égal à chaque engagé pour servir et défendre la France», a-t-elle déclaré à plusieurs médias, dont l'AFP.

Cette affaire éclate alors que le gouvernement vient de lancer une grande campagne contre les violences sexistes et sexuelles dans les grandes écoles et les universités.

«Les amphis sont le lieu de l'émancipation, pas du sexisme», peut-on lire sur l'une des affiches de cette campagne à destination des étudiants. 

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