Alors qu'Emmanuel Macron livre son grand discours sur la francophonie le 20 mars, la presse s'interroge sur les effets d'annonce du président de la République en les comparant à son exercice du pouvoir et plus particulièrement à ses interventions publiques, qu'il n'hésite pas à truffer de mots anglais.
«Entrepreneur is the new France»
Parmi les anglicismes favoris de l'actuel locataire de l'Elysée, la «start-up nation» et les bénévoles rebaptisés «helpers» retiennent particulièrement l'attention des médias depuis presqu'un an pour ce qu'ils disent de la vision d'Emmanuel Macron. Ses soutiens ont d'ailleurs eux-mêmes pris les devants pendant la campagne électorale de leur favori en se constituant en «team love».
Depuis qu'il a été élu, le président de la République française ne s'est pas arrêté en si bon chemin et a souvent glissé des mots anglais dans des phrases énoncées dans la langue de Molière : «green tech» pour parler d'écologie, «silver economy» pour parler des aînés, «job mentoring» pour évoquer l'emploi, mais aussi les plus énigmatiques : «culture du invented here» et «j'ai pivoté le business model» qui n'ont pas échappé aux taquineries des médias français, comme l'a remarqué le HuffPost qui a compilé ces termes dans une vidéo. «Entrepreneur is the new France», avait même osé le chef de l'Etat.
La francophonie : nouvel outil de la Françafrique ?
D'autres critiques, moins linguistiques et plus politiques, se sont élevées contre le projet d'Emmanuel Macron pour la francophonie, dont la teneur exacte n'a pas encore été annoncée. Sur le continent africain, les intentions du chef de l'Etat français suscitent des doutes.
En novembre, alors en visite au Burkina Faso, Emmanuel Macron avait lancé un appel du pied à un continent où «le français sera la première langue» d'ici à 2050, selon certaines prévisions. «La langue française est autant, voire davantage, africaine que française», avait-il ainsi déclaré.
Oui mais voilà, au-delà des annonces, les représentants de la francophonie à l'étranger attendent des gestes significatifs et pour le moment, ils n'ont pas été satisfaits à en croire les témoignages d'intellectuels contactés par l'AFP. Certains y voient même une possible résurgence de la Françafrique, selon l'agence de presse française.
Abdourahman A. Waberi, écrivain franco-djiboutien, estime ainsi que : «Si [Emmanuel Macron] s'était effectivement départi du passé colonial, il aurait consulté, écouté et dialogué davantage. Cette vision unilatérale, jupitérienne peut-être, ne trouvera aucun écho favorable à Dakar comme à Djibouti, à Casa comme à Kinshasa.»
Et l'intellectuel d'ajouter : «D'énormes enjeux géopolitiques se jouent, sous couvert de francophonie» qui déplore que, selon lui, l'Organisation internationale de la Francophonie, dont le siège se trouve à Paris, apporte du «crédit politique aux dictateurs africains lors des élections.»
L'écrivain prévient même : «A n'écouter que les potentats africains, l'Elysée perd toute crédibilité» et il conclue : «Tout ce cinéma se résume à un seul mot : communication.»
Emmanuel Macron joue-t-il avec la francophonie sans y croire ou va-t-il apporter satisfaction aux francophones d'Afrique et d'ailleurs ? Quoi qu'il en soit, comme le relève L'Express : «Pendant que la Chine multiplie les ouvertures des Instituts Confucius, notre pays, lui, réduit les moyens des alliances, des instituts et des lycées français, piliers essentiels de notre rayonnement culturel à l'étranger.»