Une tribune sous forme de réponse : le journaliste Julien Pouyet et la rédaction de Nord Littoral, quotidien de la région de Calais, ont réagi avec vigueur aux propos de l'écrivain Yann Moix, après que celui-ci a dénoncé et filmé «les actes de barbarie» que perpétueraient les forces de l'ordre contre les migrants à Calais. «Ce que vous décrivez, Yann Moix, est condamnable et doit être condamné», débute l'argumentation de Nord Littoral, publiée par Libération le 26 janvier.
Vous n'évoquez pas la violence des migrants, les barrages réguliers sur les routes, les caillassages. Vous n’avez pas filmé ces images qui sont aussi une partie de la réalité que vous ne décrivez pas
Néanmoins, pour les journalistes, Yann Moix «oublie une partie de la réalité» : «Vous n'évoquez pas la violence des migrants, les barrages réguliers sur les routes, les caillassages. Vous n’avez pas filmé ces images qui sont aussi une partie de la réalité que vous ne décrivez pas», critique le journal local. «Vous oubliez les Calaisiens, les riverains que l’on a laissés pendant de longs mois livrés à eux-mêmes, face à la jungle et ses 10 000 migrants», poursuit-t-il.
Partant, Nord Littoral juge Yann Moix trop partial : «Pour être équilibré, votre propos aurait dû s’accompagner d’une demande pour réunir les mêmes documents visant à prouver qu’il y a aussi des actes de violences des migrants envers les policiers et les Calaisiens et également des actes de violences de migrants entre eux !» Et la rédaction de conclure : «Il faut que nous ayons chacun dans nos discours, [...] la nuance que le sujet réclame.»
Yann Moix avait lui-même filmé des scènes et dénoncé, dans une tribune publiée dans Libération également, le 21 janvier, «des fonctionnaires de la République française [qui] frappent, gazent, caillassent, briment, humilient des adolescents, des jeunes femmes et des jeunes hommes dans la détresse et le dénuement». Dans son pamphlet, l'écrivain avait ainsi fustigé la politique migratoire d'Emmanuel Macron : «Monsieur le président de la République, chaque jour, vous humiliez la France en humiliant les exilés». Cette tribune de Yann Moix faisait suite à son intervention dans l'émission du 6 janvier d'On n'est pas couché, dont il est chroniqueur, durant laquelle il promettait de diffuser des vidéos de la situation à Calais.
Le préfet du Pas-de-Calais reproche également à Yann Moix de ne pas donner la parole aux Calaisiens
Le 25 janvier, c'est la préfecture du Pas-de-Calais qui avait contesté la vision de la situation à Calais véhiculée par Yann Moix. Dans un courrier, publié sur les réseaux sociaux le 25 janvier, le préfet Fabien Sudry a écrit à l'adresse du chroniqueur d'On n'est pas couché : «Vos affirmations infamantes pour les forces de sécurité, qui exercent leurs missions dans le respect des règles fondamentales de notre droit, vous disqualifient désormais pour parler au nom des migrants et en défense de leurs droits» .
En outre, le préfet a reproché à Yann Moix, comme Nord Littoral, une forme de parti-pris : «Il choisit de ne pas dire un mot du dispositif humanitaire mis en place par l'Etat à Calais [...] et ne prend pas la peine de donner la parole aux élus du Calaisis».
Yann Moix s'attire applaudissements et huées des politiques
Les propos de Yann Moix sur la situation à Calais n'a pas manqué de faire réagir, également, la classe politique.
Ainsi, Aurore Bergé, députée La République en marche (LREM), a laissé entendre, le 27 janvier, son soutien à la tribune de Nord Littoral, en reprenant un extrait de l'argumentation du journal, qui critique le supposé manque de connaissance de Yann Moix du terrain calaisien : «Dans votre tribune, vous reprochez au président de la République de ne rien connaître de Calais, mais que connaissez-vous de Calais, Yann Moix ?»
Egalement, la députée LREM, Mireille Robert, estime qu'«il vaut toujours mieux vérifier les faits avant de crier au loup», défendant ainsi la réponse des journalistes de Nord Littoral à Yann Moix.
Ces derniers jours, d'autres politiques s'en étaient également pris à la diatribe de Yann Moix. «Des beaux quartiers parisiens, Monsieur Moix, en bon petit soldat de la pensée unique, crache sur la République pour justifier son fantasme d'une France qui serait repliée sur elle-même. Rarement lu de telles insanités», avait, par exemple, twitté le président de Debout La France, Nicolas Dupont-Aignan, le 23 janvier.
Des personnalités politiques de gauche avaient néanmoins pris la défense de Yann Moix, après ces dénonciations sur le comportement de la police à l'encontre des migrants. Quand la députée écologiste Cécile Duflot rappelle que l'écrivain ne fait que confirmer le constat des ONG, le conseiller régional d'Ile-de-France et fondateur du parti Génération·s, Benoit Hamon, constate, lui, «l'hypocrisie de la politique répressive d'Emmanuel Macron à l'égard des migrants [qui est] résumée par Yann Moix».