Deuxième journée d'audience de Jawad Bendaoud devant la justice, saturée de provocations, le 26 janvier. La veille, l'accusé, poursuivi pour «recel de malfaiteurs terroristes» et surnommé «le logeur de Daesh», avait déjà éludé les questions en répondant par des facéties.
Cette fois-ci, Jawad Bendaoud est monté d'un cran, allant jusqu'à provoquer une suspension de séance après avoir menacé l'avocat de la partie civile, Georges Holleaux. Questionné sur sa vie familiale, Jawad Bendaoud s'emporte, insulte l'avocat de «voleur de mobylettes» et le menace : «Moi je vais venir vous voir dehors à votre cabinet, avocat de merde. On va parler d’homme à homme !»
Xavier Nogueras, avocat de Jawad Bendaoud, tente alors de calmer son client. La journaliste Noémie Schulz observe que Jawad Bendaoud lui «tapote la joue».
La scène devient alors surréaliste pour une audience de cette gravité. La journaliste Margaux Lazunel constate que «ça hurle de tous les côtés». Autre avocat de la partie civile, Méhana Mouhou, interpelle vivement Jawad Bendaoud : «Calmez-le ! Il menace tout le monde !». Son confrère, Georges Holleaux ne semble guère apprécier cette sortie : «Je n’ai besoin de personne pour me défendre !». Jawad Bendaoud réplique : «Je ne vais pas frapper un vieux monsieur ! Je ne suis pas un lâche moi !»
Dans ces conditions, la présidente du tribunal, Isabelle Prévost-Desprez, décide d'interrompre la séance et prévient que toutes les paroles de Jawad Bendaoud seraient «notées» dans la procédure. Toutefois, elle estime – ne s'apercevant pas visiblement que son micro était encore ouvert – que les avocats «font n'importe quoi». Les magistrats des deux parties s'interpellant également les uns les autres.
Après 45 minutes de suspension de séance, Jawad Bendaoud présente ses excuses à la présidente pour s'être emporté. Il demande également à faire valoir «son droit au silence». Sauf qu'il n'y arrive pas.
Jawad Bendaoud se désole également pour ses propos de la veille contre la présidente. Il lui avait effectivement dit qu'elle ne «l'impressionnait pas». «Ce n'est pas contre vous», lui lance-t-il après la suspension. Isabelle Prévost-Desprez lui répond avec un sourire : «Donc je vous impressionne.» Jawad Bendaoud tente alors le jeu de la séduction : «C'était pas un manque de respect. Tranquille, il n'y a rien entre nous madame.» La présidente ne peut s'empêcher de rétorquer : «Monsieur Bendaoud je vous le confirme, il n'y a rien entre nous.»
Lorsque Georges Holleaux interroge Jawad Bendaoud sur la possibilité que ce dernier puisse avoir eu connaissance qu'il hébergeait deux terroristes dans l'un de ses logements, ce dernier brocarde l'avocat en prétendant que ce dernier est «atteint psychologiquement».
Moi, j’avais consommé quatre grammes de cocaïne, trois joints de cannabis. Ça va sortir dans la presse. C’est pas grave. Ma mère va savoir, c'est pas grave
Et l'accusé revient, comme la veille, sur sa consommation de drogue et les conséquences que ces révélations auraient sur son image : «Après, c’est facile pour vous [de dire que c'était des terroristes]. Moi, j’avais consommé quatre grammes de cocaïne, trois joints de cannabis. Ça va sortir dans la presse. C’est pas grave. Ma mère va savoir, c'est pas grave...», semble se résigner Jawad Bendaoud.
Son avocat tente alors, de nouveau, de calmer Jawad Bendaoud. Celui-ci demande à «user de son droit au silence». Il n'y arrive toujours pas.
Quand je me vois dans la glace je sais que c'est quelqu'un qui dit la vérité. Vous comment vous pouvez porter cette robe ?
En effet, dès que l'avocat de la partie civile intervient, Jawad Bendaoud ne peut s'empêcher de réagir : «J'ai aucun problème de conscience, quand je me vois dans la glace je sais que c'est quelqu'un qui dit la vérité. Vous comment vous pouvez porter cette robe ?»
Son avocat Xavier Nogueras tape à son box vitré et ordonne : «Ça suffit !»
Jawad Bendaoud semble incontrôlable. Il exige de l'avocat de la partie adverse de ne plus l'appeler par «monsieur». «Dites Jawad ou Bendaoud. Mais faites pas genre vous me respectez parce que vous ne me respectez pas», ose-t-il dicter.
Ses deux avocats interviennent. La journaliste Charlotte Piret remarque la scène : «Marie-Pompéi Cullin [l'autre avocat de Jawad Bendaoud] passe la tête dans le box : "Tu te calmes maintenant ! Tu te calmes." Xavier Noguéras enchaîne : "Ça suffit, Jawad ! Arrête !"»
Je suis très calme, comme une bombe. Mais dès qu’on me touche, j’explose !
Mais rien ne semble arrêter Jawad Bendaoud. Il redemande le droit au silence... pour, derechef, répondre sur son éventuel comportement violent : «Je suis très calme, comme une bombe. Mais dès qu’on me touche, j’explose !». Le journaliste Vincent Vantighem relève : «Les avocats ont vraiment toutes les peines du monde à poser leurs questions. Le prévenu interrompt, vocifère, s'énerve, s'agite, boude... On en vient à se demander si un petit calmant ne serait une bonne idée pour [le] calmer.»
Pour se défendre, Jawad Bendaoud va même recourir au registre de la scatologie. «Madame, vous essayez de me mettre dans une merde pour quelque chose que je n'ai pas fait. J'ai jamais senti le caca, je ne sentirai pas le caca...», assure-t-il.
Essaie même pas de t'approcher, c'est mort
Autre avocat de la partie civile, Jean Reinhart est lui aussi sous la menace. Lorsque celui-ci s'approche du micro pour interroger le prévenu. «Essaie même pas de t'approcher, c'est mort...», intimide Jawad Bendaoud.
Que je sorte ou pas, je suis fini. Qui va m'embaucher ? J'avais pour projet de faire un nouveau point de vente de cocaïne. Qui va s'associer avec moi ?
Serein, Jawad Bendaoud pense également à son avenir, fortement contrarié par ce procès. «Je suis fini ! Que je sorte ou pas, je suis fini. Qui va m'embaucher ? J'avais pour projet de faire un nouveau point de vente de cocaïne. Qui va s'associer avec moi ?», lance-t-il sans honte à l'audience.
Jawad Bendaou est poursuivi aux côtés de deux autres prévenus, Mohamed Soumah et Youssef Aïtboulahcen. Ce procès est le premier en lien avec les attentats du attentats du 13 novembre 2015, qui ont fait 130 morts à se tenir en France.
Lire aussi : «Katsuni», Snoop Dogg et mojito : les propos fantasques de Jawad Bendaoud à son procès