France

Polémique autour d'une projection de film réservée aux Noirs à Paris

Le collectif afro-féministe Mwasi organise la projection d’un film réservée à un public noir le 17 février dans la capitale française. Il a déclenché les foudres de la Licra, qui s’indigne de cette «ségrégation».

Il s’agit d’un événement organisé par le collectif afro-féministe Mwasi autour de la projection du film hollywoodien Black Panther le 17 février, suivi d'un débat, à Paris. Précision des organisateurs : ce rassemblement culturel se fera en «non mixité» et est destiné aux «personnes noires quel que soit le genre».

Ces informations ont fait vivement réagir la Ligue internationale contre le racisme et l'antisémitisme (Licra). Celle-ci a dénoncé sur Twitter une pratique perçue comme «une injure aux valeurs de la République». Dans un tweet complémentaire, l'association anti-raciste poursuit : «Nous devons collectivement refuser la société à la découpe qui, au prétexte de lutter contre le racisme, reproduit une pratique raciste la plus détestable : la ségrégation à l'entrée d'un cinéma».

Le collectif Mwasi se défend de tout racisme

Le collectif Mwasi a créé une page Facebook pour annoncer son événement. Pour assister à la projection-débat, les participants sont invités à revêtir leurs plus beaux atours en tissu africain «kente, bazin, Faso dan Fani, Bogolans, madras» – le film Black Panther met en scène un super-héros roi d’une nation africaine. La moitié des sièges, annonce Mwasi, seront réservés à «un public d'adolescent-e-s de la banlieue parisienne qui y assisteront gratuitement». Mais seuls les Noirs seront admis.

Un choix politique qui permet d’échanger et de lutter entre personnes concernées

Sur son site, le collectif explique n’être ouvert qu'aux «femmes (et personnes assignées femme) cisgenres et transgenres noires/métisses africaines et afrodescendantes», leur propos étant de rassembler «des femmes qui vivent dans leur quotidien l’expérience de la négrophobie». Concernant la politique de non-mixité, il s'agit selon lui d'«un choix politique qui [leur] permet d’échanger et de lutter entre personnes concernées». Concernant les événements, le collectif explique en organiser différents types dont certains sont ouverts à tous les publics.

Nous revendiquons uniquement le droit d’avoir un espace entre nous 

Concernant ceux qui ne sont pas ouverts aux non-Noirs, l'organisation militante se défend de tout racisme : «Il n’y a aucune hiérarchisation des races dans Mwasi, nous revendiquons uniquement le droit d’avoir un espace entre nous où nous puissions nous sentir en sécurité, et où il nous est possible de mettre notre temps au profit de notre lutte plutôt que de le consacrer à de la pédagogie.»

Le racisme anti-blanc.he.s n’existe pas

Les femmes du collectif poursuivent : «Il est intellectuellement malhonnête de pointer du doigt le communautarisme des groupes opprimés dont le but principal est de lutter conte l’oppression, mais de ne pas évoquer le communautarisme dominant, celui des blanc.he.s, qui leur permet de conserver leur position dominante en société.» Pour elles, «le racisme anti-blanc.he.s n’existe pas». 

Les internautes divisés

Sur internet, la question de la non-mixité fait – une fois encore – débat. Certains internautes ne voient aucun problème à ce qu’une séance privée soit réservée à un public choisi, même sur des critères ethniques. «Personne n’est interdit de ciné, le film sera partout, faites-vous plaisir allez-y, juste pas avec Mwasi», estime par exemple un internaute.

Entre autres exemples, un «militant féministe universaliste, laïque et humaniste» accuse l'initiative d'inculquer aux jeunes l'«apartheid» et le «racisme victimaire».

Des précédents avec d'autres événements «non-mixtes»

Ce rendez-vous rappelle deux autres précédents en France. Nyansapo, un festival afro-féministe, a été organisé par le même collectif Mwasi à l'été 2017. Une partie était ouverte à tous, tandis que des ateliers étaient annoncés réservés aux femmes noires. Une polémique avait enflé à ce sujet dans les médias, et la maire de Paris Anne Hidalgo n'avait autorisé la tenue du festival qu'après avoir exigé que les ateliers non-mixtes soient organisés à titre privé.

En 2016 et 2017, une autre initiative avait suscité la polémique : le camp d’été décolonial, co-créé par une des membres du collectif, Fania Noël, «réservé uniquement aux personnes subissant à titre personnel le racisme d’Etat en contexte français».

A l'époque, la Licra avait dénoncé les restrictions induites par l'événement en les comparant au Ku Klux Klan. SOS racisme avait quant à lui fustigé «un rassemblement ouvertement raciste organisé par des individus qui ont choisi de transformer leurs névroses identitaires en haines politiques». Mais le Conseil d'Etat n'avait pas annulé sa tenue.

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