France

Pression politique ou partialité ? Un reportage censuré sur Laurent Wauquiez déchaîne les passions

Rififi autour d’une série de reportages sur Laurent Wauquiez, dont la diffusion du troisième volet sur France 3 Auvergne-Rhône-Alpes a été annulée. Pression politique ou invalidation justifiée d'un sujet orienté sur une chaîne publique ?

Tempête sur le service public, accusé de se censurer à la suite de pressions politiques. Une série de cinq reportages avait été commandée par France 3 Auvergne-Rhône Alpes, pour retracer l’itinéraire et l’action politique de Laurent Wauquiez, dans son activité en tant que président de la région Auvergne-Rhône-Alpes. Après la diffusion de deux reportages les 8 et le 9 janvier dans les journaux de midi et 19h sur les antennes de Lyon, Clermont-Ferrand et Grenoble, la programmation des trois autres épisodes restants a été interrompue, officiellement parce qu'ils manquaient de mesure. Mais, face au tollé provoqué parmi les équipes de la chaîne publique, la diffusion des deux derniers épisodes a finalement repris : le 4e volet de la série a été diffusé dans le journal du 12 janvier à midi et le dernier le sera le 13 janvier, suivi d'un droit de réponse de Laurent Wauquiez. Le troisième volet est en revanche passé à la trappe. 

L'interruption de la diffusion par la direction régionale de la chaîne, le 10 janvier, avait soulevé un tollé au sein de France 3 Auvergne-Rhône-Alpes. La direction régionale de la chaîne avait jugé les sujets «déséquilibrés». Le rédacteur en chef Laurent Mazurier avait expliqué n'avoir pas vu le second volet diffusé le 9 janvier avant sa diffusion, donc ne l'aurait pas validé et aurait réagi trop tard. 

Un avis partagé par la région Auvergne-Rhône-Alpes, qui révèle avoir «demandé un droit de réponse» après la diffusion de ces deux épisodes, selon des proches de Laurent Wauquiez cités par l'AFP. Droit de réponse qui leur a été accordé sous une forme inédite et sujette à débat. Le président des Républicains aura droit à trois minutes, la même durée que le reportage, sous forme d'une interview diffusée le 13 janvier dans les journaux de midi et 19h. «Du jamais vu», selon des syndicats interrogés par l’AFP.

Un choix éditorial fait à la demande d'un responsable politique

«La rédaction est écœurée», a déclaré Myriam Figureau, déléguée du Syndicat national des journalistes (SNJ). «Elle a été stupéfaite en apprenant l'annulation de la diffusion, puis la stupéfaction a laissé place à la colère. C'est une décision que l'on ne comprend pas», martèle-t-elle. Elle dénonce «un choix éditorial fait à la demande d'un responsable politique». «On a perdu toute crédibilité, la plupart des journalistes sont outrés», déplore en outre un membre de la chaîne.

Sur le banc des accusés : Laurent Wauquiez lui-même. La région a affirmé, selon l'AFP, avoir été contactée par France 3 le 10 janvier et n'avoir réclamé qu'un droit de réponse sur le sujet du 9 janvier, «unilatéralement à charge», mais n'être «absolument pour rien» dans la décision de suspendre la diffusion.

Qu’en est-il vraiment des sujets brûlots sur Laurent Wauquiez ?

Les sujets qui fâchent ont de fait de quoi surprendre pour une commande de service public. S’il devait être tentant pour les journalistes suivant Laurent Wauquiez de dénoncer ce qu’ils estimaient être des mensonges, des ruses de communication ou des manœuvres politiques, on aurait pu attendre de leur part une confrontation des deux points de vue. Or, le processus est le suivant : exposer l'argument de l'homme politique pour le contredire immédiatement à l’aide de preuves et d’experts désignés. En d'autres termes, Laurent Wauquiez est cuisiné sans pouvoir livrer sa réponse.

Dès les premières secondes du reportage diffusé le 9 janvier, il est fait allusion à l’image qui «colle à la peau de Laurent Wauquiez», celle du «traître». Le ton est donné ; la suite s'avère une contradiction systématique de toutes ses déclarations et prises de décision.

Il aurait menti sur ses économies réalisées en vendant des voitures de la flotte du Conseil régional, il aurait menti sur le fait que la région Rhône-Alpes soit première au classement de la Cour des comptes en 2016, il n’aurait pas encouragé l’emploi en région comme il le disait, preuves à l’appui. Il aurait aussi menti sur les prélèvements fiscaux de ses administrés, comme le prétend la voix off du commentaire : «Quant à la réalité des impôts qui n'augmentent pas, une réalité en trompe l'œil».

Les personnes interviewées sont toutes des opposants politiques. Un spécialiste des finances donne son avis sur le budget de Laurent Wauquiez, en tout anonymat – ses propos sont lus par un journaliste.

En contrepoint, aucun contre-argument de son équipe, aucune justification de l'intéressé n'est fournie.

On essaie d'être équilibré et plutôt mesuré. Et là, ce n'était pas le cas. On n'était pas dans les clous par rapport à notre tonalité de service public

André Faucon, le directeur régional de la chaîne, a commenté, afin de justifier le droit de réponse accordé à la région et l'annulation de l'épisode 3 : «On ne s'empêche pas de faire de l'investigation mais, dans la forme et sur le fond, on essaie d'être équilibré et plutôt mesuré. Et là, ce n'était pas le cas. On n'était pas dans les clous sur le plan du traitement politique et par rapport à notre tonalité de service public».

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