La Cour de cassation a estimé le 10 janvier que l'action seins nus au musée Grévin d'une militante ukrainienne des Femen en 2014 constituait bien une «exhibition sexuelle», annulant la relaxe dont celle-ci avait bénéficié en appel et ordonnant un nouveau procès. Iana Jdanova avait, lors d'une action seins nus le 5 juin 2014, attaqué à coups de pieu la statue de cire de Vladimir Poutine au musée Grévin à Paris, ce qui lui avait valu d'être la première militante des Femen à avoir été condamnée en France pour exhibition sexuelle.
Pour la haute juridiction, l'infraction d'exhibition sexuelle est bien caractérisée, «indépendamment des motifs invoqués» par Iana Jdanova qui revendique un acte politique sans connotation sexuelle, puisque la prévenue a «exhibé volontairement sa poitrine dans un musée, lieu ouvert au public».
Dans un communiqué, l'un de ses avocats, Marie Dosé, a dénoncé un arrêt «d'un autre temps, complètement indifférent aux réalités», rendu par une formation «exclusivement masculine», «un conservatisme attentatoire aux libertés fondamentales d'expression et de libre disposition de son corps».
«La jurisprudence commençait pourtant à considérer que les femmes qui utilisaient leur poitrine dans un but politique ou artistique ne pouvaient être déclarées coupables de ce délit», a estimé l'avocat. La Cour de cassation «marque donc une nette régression en choisissant de punir les femmes se servant de leur corps comme d'une arme politique ou artistique», selon lui.
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«[Iana Jdanova] est prête à saisir le Conseil constitutionnel d'une question prioritaire de constitutionnalité, puisque les hommes et les femmes ne sont pas égaux face à cette infraction, ainsi que la Cour européenne des droits de l'Homme», a ajouté Marie Dosé.
Cette décision est «regrettable, compte tenu des enjeux actuels portant sur le statut des femmes dans la société et notamment la perception sociale du corps féminin», pour son autre avocat, Catherine Bauer-Violas.
En première instance, cette Ukrainienne de 29 ans, réfugiée politique, avait été condamnée en octobre 2014 à 1 500 euros d'amende pour dégradations et exhibition sexuelle. Elle avait fait appel et, en janvier 2017, elle avait été condamnée à 600 euros d'amende pour les dégradations, mais relaxée du chef d'exhibition sexuelle. La cour d'appel avait estimé qu'il n'y avait ni «intention» de nature sexuelle de sa part, ni «connotation sexuelle» dans son acte. L'accusation avait formé un pourvoi en cassation.
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