France

«On est parti pour un nombre de divorces sans précédent» : le nouveau coup de blues de députés LREM

Certains députés LREM n'arrivent toujours pas à accepter leur nouvelle vie politique rythmée par l'intensité des nombreuses séances à Paris et les études de dossiers, au point de voir leur vie privée durement affectée.

«On est parti pour un nombre de divorces sans précédent», avertit dans L'Opinion  François-Michel Lambert, député La République en marche (LREM) des Bouches-du-Rhône. Ce parlementaire fait partie d'un certain nombre d'élus de la majorité présidentielle à déplorer les sacrifices que sa fonction l'oblige à faire sur le plan privé. Ils étaient parfois chefs d'entreprise, consultants, chercheurs ou cadres du privé et n'arrivent plus désormais à concilier vie politique et vie privée.

Les vacances familiales de la Toussaint, c’était sans moi. Et à Noël, j'ai encore la tête dans le budget

Les plus affectés sont ces députés LREM qui ont obtenu un mandat en province. Ils doivent en effet partager leur semaine entre l'Assemblée nationale à Paris et leur circonscription. «Je demande des sacrifices à mon entourage. Les vacances familiales de la Toussaint, c’était sans moi. Et à Noël, j'ai encore la tête dans le budget», maugrée par exemple Olivier Véran, député LREM de l’Isère.

Bruno Bonnell semble, quant à lui, surpris de l'intensité du travail parlementaire : «À Noël, il va y avoir beaucoup d’ultimatums familiaux, genre "si tu y retournes, je te quitte". On va avoir des surprises en janvier. Il y a un conflit entre la vie familiale et la politique telle qu’elle est conçue aujourd’hui», assure le député macroniste du Rhône.

«Le rythme est très soutenu. C’est le plus gros agenda parlementaire de ces quinze dernières années. Le taux de participation des députés aux débats est extrêmement élevé, plus qu’à l’accoutumée», atteste le député de Paris Pierre Person.

En marche vers le burn out ?

Les députés ne sont pas les seuls à se plaindre. L'Opinion recense certains «Macron's boys» – ces trentenaires entourant le président Emmanuel Macron – qui avouent ressentir «comme un sacerdoce leur engagement auprès d’Emmanuel Macron» : Alexis Kohler (secrétaire général de l’Elysée), Ismaël Emelien (conseiller spécial), Stéphane Séjourné (conseiller politique), Sylvain Fort (conseiller discours et mémoire) ou encore Sibeth N’Diaye (conseillère presse) tiennent des propos similaires.

« Il y a un risque de burn-out général », constate pour L'Opinion le conseiller politique d’un ministre. D'ailleurs, des plaintes remonteraient régulièrement à Matignon. Sans suite.

Je crois que c'est être un petit peu en déconnexion avec la réalité de ce que connaissent les Français qui ont à vivre des réalités professionnelles qui sont parfois beaucoup plus dures

Or, toutes les complaintes de responsables de la majorité ne sont pas partagées par leurs pairs. Interrogé à ce sujet sur LCP, Pieyre-Alexandre Anglade, député LREM, se désolidarise de ses camarades : «Je ne me retrouve pas du tout là-dedans. Effectivement, c'est un rythme qui est soutenu, c'est évident, parce que l'activité législative a été extrêmement intense depuis le début de la législature. Après, dire que les députés sont sur les rotules ou celles et ceux qui peuvent se plaindre, je crois que c'est être un petit peu en déconnexion avec la réalité de ce que connaissent les Français, qui ont à vivre des réalités professionnelles qui sont parfois beaucoup plus dures que ce que peuvent rencontrer les parlementaires», affirme le député des Français de l'étranger.

Quand on est député, que l'on gagne 5  000 euros par mois et que l'on a la chance de représenter le peuple français, se plaindre, c'est choquant !

Marlène Schiappa, secrétaire d'Etat chargée de l'Egalité entre les femmes et les hommes, dresse le même constat : «Quand on est député, que l'on gagne 5  000 euros par mois et que l'on a la chance de représenter le peuple français, se plaindre, c'est choquant !»

D'ailleurs, aux plaignants, elle assure qu'«on n'est pas ministre ou député toute sa vie. On exerce ce type de responsabilité deux ans, cinq ans...» Toutefois, légèrement contradictoire, Marlène Schiappa, mère de famille, estime qu'il y a «tout de même de quoi se plaindre». A ce sujet, L'Opinion avance que plusieurs moments familiaux avec ses enfants ont été loupés par la secrétaire d'Etat, pour cause de responsabilité politique. Une situation que la députée Amélie de Montchalin, également mère de famille, souhaite changer avec la prise en compte des nouvelles réalités concernant la question de la parentalité.

Le cafard structurel des «marcheurs»

Depuis leur prise de fonction en juin 2017, les députés LREM se sont déjà fait remarquer pour leurs différents coups de blues. En août, soit deux mois après le début de leur mandat, des parlementaires LREM menaçaient déjà de lâcher leur poste, démoralisés par les cadences et les sessions tardives à l'Assemblée.

Mi-décembre, Le Monde informait d'ailleurs que la situation n'avait guère changé. Ainsi, le malaise toucherait «près d’un tiers des troupes» macroniennes. Fin novembre, une dizaine de parlementaires avait même lancé une cellule de soutien psychologique pour les «marcheurs» qui seraient fatigués et démotivés par l'action politique.

Mais aussi parfois pour des raisons pécuniaires ? Le 13 décembre, une députée LREM, qui avait préféré cacher son identité, dénonçait la baisse de son revenu en choisissant d'embrasser la carrière politique. Autrefois chef d'entreprise avec un salaire à 8 000 euros, elle déplorait son actuelle indemnité de 5 300 euros net (correspondant à son mandat de députée), la poussant à manger des pâtes et aller «moins souvent au restaurant». Une déclaration assez éloignée de la préoccupation des salariés smicards qui touchent, quant à eux, 1 173 euros net par mois...

Bastien Gouly

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