Les relations tendues entre de nombreux journalistes et Jean-Luc Mélenchon défraient régulièrement la chronique. Après son passage dans L'Emission politique de France 2, le 30 novembre dernier, le député des Bouches-du-Rhône a publié un long article sur son blog afin de dénoncer ce qu'il estime avoir été un «traquenard». Il annonce par ailleurs vouloir lancé une pétition afin de constituer un «tribunal professionnel» de la presse.
Contradicteurs dont l'orientation politique est dissimulée, montages vidéos trompeurs, questions volontairement destinées à l'empêcher de s'exprimer sur les thèmes qu'il juge importants... Les reproches qu'adresse Jean-Luc Mélenchon aux journalistes de France 2, s'ils ne sont pas les premiers du genre, le conduisent cette fois à demander la mise en place d'une «instance professionnelle déontologique».
Le but de l'organisme que Jean-Luc Mélenchon souhaiterait voir créer ? Sanctionner «les menteurs, les tricheurs, les enfumeurs» – autrement dit, les journalistes se présentant comme neutres mais distillant une forte dose d'idéologie dans leur exercice du métier. Ce type de question ne relève pas des compétences du Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA), autorité administrative créé en 1989 dont les membres sont directement nommés par les présidents de la République, de l'Assemblée nationale et du Sénat. Celui-ci ne peut en effet se prononcer sur les questions d'ordre déontologiques.
Une idée inspirée du modèle belge
Quelle forme pourrait revêtir l'institution en faveur de la création de laquelle Jean-Luc Mélenchon plaide ? Comme il le rappelle lui-même, la Belgique pourrait fournir un exemple. Depuis 2009, le royaume s'est doté d'un Conseil de déontologie journalistique (CDJ). Cet «organe d'autorégulation des médias francophones et germanophones de Belgique» (la presse néerlandophone dispose de sa propre institution, le Raad voor de Journalistiek) s'appuie sur un code de 28 articles.
Composé de 40 membres, parmi lesquels des représentants des journalistes, des éditeurs de presse, de rédacteurs en chef et de représentants de la société civile, le CDJ peut être saisi par n'importe quel citoyen estimant qu'une production journalistique contrevient au code déontologique. Les plaintes les plus fréquemment reçues par cette instance concernent le droit à l'image ou le refus du droit de réponse. Des anonymes, des personnalités ou même la famille royale elle-même saisissent régulièrement le CDJ à propos d'articles, de reportages ou d'interviews jugées partiales ou préjudiciables.
Après une tentative de médiation entre le plaignant et le journaliste incriminé, la plainte peut déboucher sur des excuses publiques, la publication d'un rectificatif ou un article complémentaire. Si la médiation échoue, chaque partie fournit alors un argumentaire qui est examiné par le CDJ et peut donner lieu à une condamnation. Celle-ci n'est pas d'ordre judiciaire ou pécuniaire, mais simplement symbolique. L'institution elle-même ne repose que sur le consensus auquel sont volontairement parvenus les différents médias concernés.
La question de la partialité des rédactions prétendant délivrer une information objective est régulièrement au cœur des critiques que Jean-Luc Mélenchon adresse à une profession qui le lui rend bien, le caricaturant volontiers comme étant hostile aux journalistes. Récemment, des membres de la France insoumise avait annoncé le lancement de son propre média. «La différence entre un média objectif et un média engagé ? L'un fait semblant de ne pas avoir d'avis : l'autre assume une ligne éditoriale», résumait Aude Rossigneux, la rédactrice en chef de ce Média citoyen, lors du lancement le 11 octobre dernier.