Selon le président malien, les djihadistes tués lors d’une opération au Mali menée dans la nuit du 23 au 24 octobre étaient bien des soldats maliens de la force Barkhane. Cependant, l'armée française ne le reconnaît toujours pas officiellement. Ibrahim Boubacar Keïta a confié au magazine Jeune Afrique dans son édition du 3 décembre, qu’il s’agissait «bien d'otages», malgré les doutes émis par Paris.
«Il s’agissait bel et bien d’otages des terroristes et il ne faudrait pas qu’il y ait là-dessus la moindre ambiguïté entre nos amis français et nous», a estimé le chef de l’Etat malien dans cette interview. «C’est un fait regrettable, qui peut hélas survenir dans ce type d’opération. On doit l’admettre et ne pas chercher d’autres raisons qui n’existent pas», a-t-il insisté en redoublant de précautions oratoires pour ménager la susceptibilité d’un interlocuteur qui préfère garder le silence.
En effet, la France et le Mali ne sont pas sur la même ligne. Florence Parly, la ministre française de la Défense, qui a accordé une interview parue le 16 novembre dans Jeune Afrique, ne partage pas du tout son avis. «Nous avons des informations factuelles montrant qu’il ne s’agissait pas d’otages. Nous nous sommes donc expliqués très franchement avec les autorités maliennes. Je crois pouvoir dire que cette question est derrière nous», a-t-elle estimé.
Emmanuel Macron en visite officielle à Burkina Faso le 28 novembre, n’a-t-il pas déclaré à une étudiante que les forces armées nationales ne méritaient que des hourras ? «Vous ne devez qu’une chose pour les soldats français, les applaudir. Ils sont là aux côtés de vos soldats, des soldats de la région pour combattre les djihadistes», s'était-il félicité.
Le document qui met à mal la version française
Mais un document tend à montrer que les forces françaises ont déjà admis leur bavure il y a bien longtemps, sans toutefois la clamer haut et fort. En effet, une réunion a eu lieu entre le ministre de la Défense malien, Tiéna Coulibaly, l'ambassadrice de France au Mali et le général représentant de Barkhane au Mali fin octobre.
Suite à cette entrevue, un communiqué a été publié le 31 octobre par la République du Mali, confirmant que «les militaires maliens, détenus par des terroristes, ont trouvé la mort». Le texte précise que les reconnaissances menées pendant la phase de préparation «n’ont pas permis de déceler la présence des militaires maliens». Il conclut que l’Armée française a admis ses torts : «Tirant les leçons de cette tragédie, les deux parties ont convenu d’améliorer leur communication afin d’éviter la survenue d’un tel événement déplorable dans le futur.» Alors pourquoi ces contradictions, l'absence totale d'excuses ou de contre-enquête de la part des autorités françaises ?
L'imbroglio remonte à la nuit du 23 au 24 octobre, lorsqu'un raid anti-terroriste de l'opération Barkhane avait fait 13 morts à Abeïbara, un nid de djihadistes situé dans la région de Kidal, dans le nord-est du pays. Le groupe de soutien à l’islam et aux musulmans, (JNIM), faction djihadiste à l’œuvre dans la région, qui avait capturé les onze militaires de la force Barkhane s’est immédiatement fait entendre pour signaler une bavure, clamant pouvoir apporter toutes les preuves.
Mais depuis le début, la ligne de l'état-major français est d’affirmer qu’il s’agissait bien de djihadistes. Le 27 octobre, un point presse avait permis à l'état-major de dévoiler le succès prétendu de l'opération et de juger que les assertions du JNIM sur la mort des 11 soldats étaient de la «propagande», dans des propos rapportés par AP. Un tweet avait aussi relayé l’opération et confirmé la mort d’un «groupe armé terroriste» ainsi que la saisie d’un vaste arsenal le 27 octobre.
Lancée le 1er août 2014, l'opération Barkhane conduite par les armées françaises, établit un partenariat avec les principaux pays de la bande sahélo-saharienne pour lutter contre les groupes armés terroristes.