Le pénis de béton dressé depuis 40 ans sur la pelouse de la faculté de Poitiers va avoir une compagne, au nom de l’égalité entre hommes et femmes. Le «bitard», symbole d'une antique confrérie étudiante, était perçu comme un symbole du patriarcat par certaines féministes. Au mieux, il ne faisait que souligner, selon elles, l’absence de la voix des femmes. «Ce que nous souhaitons, c'est que les femmes soient également représentées sur le campus», a déclaré Pénélope Muffat, vice-secrétaire de l'association Ami.e.s des femmes de la libération, à l’origine de l’initiative. L’université a relayé des images de l’inauguration sur Twitter.
L’artiste anglais Matthew Ellis, connu pour son travail du métal, a réalisé la sculpture et l'a offerte à l’université. Elle représente un clitoris attaqué par des instruments tranchants utilisés lors des excisions.
Le clitoris apparaît seulement cette année dans les manuels de sciences
Les Ami.e.s des femmes de la libération se battent contre la prostitution forcée et les violences faites aux femmes. Sa présidente, Emma Crews, a suggéré d’offrir au clitoris la place qui devrait selon elle lui revenir dans l'établissement. «Elle se demandait comment on pouvait avoir un pénis géant sur le campus de l'université depuis si longtemps, alors que le clitoris apparaît seulement cette année dans les manuels de sciences», a expliqué Pénélope Muffat, vice-secrétaire générale de l'association à France Info.
En effet, si le pénis est parfaitement décrit et illustré depuis des siècles, le petit organe présent dans le sexe féminin, le clitoris, va être représenté de manière exacte et complète pour la première fois dans l'édition 2017 d'un manuel scolaire des éditions Magnard.
Isabelle Lamothe explique : «Elle [Emma Crews] nous a proposé cette installation artistique et l'université a bien sûr accepté. Nous soutenons régulièrement son association, pour l'organisation de festivals ou de soirées sur la lutte contre les violences faites aux femmes.» Pour l’université, cette sculpture entre «dans le cadre de sa mission pour l'égalité femmes-hommes» et de sa politique «d'aménagement du campus avec des œuvres artistiques».
La statue de clitoris érigée à la veille de la Journée contre les violences faites aux femmes suscitera-t-elle le même engouement que la sculpture virile en réponse à laquelle elle a été conçue ? Autour du «bitard» se fédèrent les dignitaires de l'Ordre du bitard, détenteurs d’une tradition datant de 1920. Ils organisent chaque année «La course au Bitard», costumés avec des capes et des faluches. Rituellement, le nom du «bitard», est toujours suivi de l'abréviation «L.S.T. !» qui signifie «Loué Soit-Il !». Les femmes sont acceptées dans l'ordre depuis 1980.
Nous ne demandons pas que le pénis soit dégradé ou enlevé
L’association féministe n’éprouve toutefois aucune agressivité envers le phallus géant. «Nous ne demandons pas que le pénis soit dégradé ou enlevé», s’est défendue Pénélope Muffat. «Ce que nous souhaitons, c'est que les femmes soient également représentées sur le campus», a-t-elle ajouté. Les deux sculptures ne seront toutefois pas installées côte à côte. La confrérie des Bitards s'est exprimée sur cette arrivée. L'ordre se réjouit de l'installation du «clito géant», qui viendra, l'espèrent-ils, mettre un terme à des actions militantes telles que des jets de serviettes hygiéniques sur le «bitard».
En effet, le «bitard» avait fait les frais en mai 2016 d’une fureur irrépressible. Des militantes féministes avaient recouvert la sculpture de serviettes hygiéniques imprégnées de ciment et de messages féministes tels que «à bas l'état patriarcal», «bitards = sexisme». En 2015, il avait aussi été vandalisé, arraché de son support. La coexistence des deux instruments du plaisir devrait rétablir la paix des ménages.