France

Délation, vegans... quand la polémique s'invite sur le hashtag anti-harcèlement #balancetonporc

Sous l’impulsion de la journaliste Sandra Muller, des milliers de femmes dénoncent sur Twitter le harcèlement sexuel qu'elles ont vécu avec #balancetonporc. Une initiative suscitant des réactions très variées, y compris chez les politiques.

Effarée par le scandale du producteur Harvey Weinstein, la journaliste Sandra Muller a lancé, quasiment sur le ton de l'humour, un appel sur Twitter pour que les femmes victimes de harcèlement, puissent sortir du silence, autour du hashtag #balancetonporc, sur Twitter. Elle a inauguré le mouvement le 13 octobre en racontant une histoire qui se serait produite avec un patron de chaîne libidineux.

L'initiative a provoqué maintes réactions, des plus diverses.

Un hashtag anti-vegan pour certains, un appel à la délation pour d'autres

Pour l'écrivain Aymeric Caron, ancien chroniqueur de l'émission On n'est pas couché, ce qui gène c'est... la partie animale du hashtag. En tant que vegan et opposant au spécisme (une idéologie consistant à considérer la vie de l'être humain comme plus importante que celles des animaux), il a utilisé le terme de «dommage» à propos du nom de l'itiniative, ajoutant qu'il aurait préféré le hashtag #balancetonharceleur ou encore... #balancetonweinstein.

Une autre personnalité qui s'est exprimée sur le sujet est le ministre de l'Economie et des Finances, Bruno Le Maire, qui a affirmé qu'il ne dénoncerait pas, par principe, un harceleur s'il en connaissait un.

Suite au tollé et à l'emballement médiatique en réaction à ses propos, le ministre a tweeté un communiqué d'excuses en vidéo, en avouant qu'il s'était mal exprimé, rappelant qu'il n'aimait pas la «dénonciation».

Une balance reste une balance.

L’animateur d'Europe 1 Raphael Enthoven s’oppose quant à lui au principe de dénonciation qu’il assimile à de la délation. Pour lui, le «balance» ne passe pas.

La secrétaire d'État chargée de l'Égalité entre les femmes et les hommes Marlène Schiappa s'est interrogée sur la mobilisation en déclarant : «Twitter n'est pas un tribunal.»

Sandra Muller répond aux critiques

Directrice de la rédaction du média professionnel La lettre de l’audiovisuel, la journaliste à la base de la mobilisation Sandra Muller n'imaginait pas ni le succès de la campagne Twitter, ni les polémiques qui naîtraient de son initiative. Elle s'est confiée à RT France.

«En réalité sur le fil Twitter, il y a très peu de noms», explique-t-elle, ajoutant que l'initiative était, au départ réservée aux journalistes avant de prendre une telle ampleur.

Sur les remarques faisant état de «délation», elle ne décolère pas : «Je trouve dénigrant le fait de parler de délation au sujet de #balancetonporc. On n’est plus dans une période de l'histoire. Et puis quand on est victime on fait quoi ? Il faut penser à tous les faits qui sont prescrits. [...] Cela sous-entend quoi de ne pas dénoncer ? On fait comment pour que les pervers s'arrêtent ?»

Ajoutant qu'elle dispose d'éléments de preuves pour appuyer sa dénonciation, elle insiste sur le fait que le #balancetonporc viendra au secours des femmes : «Ce n'est pas avec un tweet qui ne révèle pas de noms qu'on pourra condamner qui que ce soit. En revanche, ça peut aider des consœurs qui donnent des indices sur qui il faut se méfier dans le métier.» 

En deux jours, 60 000 femmes avaient déjà témoigné. Toutefois peu de femmes, comme Sandra Muller, ont osé livrer les noms de leurs agresseurs présumés.

Parmi elles, l'écrivain Méryl Pinque a aussi relaté un incident qui impliquerait une personne de l’univers des médias, le journaliste Eric Brunet.

 Jean Lassale m'a mis une main aux fesses

Julia Castanier, la directrice de la communication du PCF n’a pas hésité à écrire sur un geste déplacé qu’aurait eu l'ancien candidat à la présidentielle fait Jean Lassalle.

La journaliste Julia Molkhou a mis en cause un animateur producteur dont elle n’a pas souhaité révéler le nom.

La grande majorité des tweets évoquent des violences, gestes, menaces et commentaires déplacés et sexistes vécus par les femmes au quotidien.

Certaines femmes dénonçant les agissements ont reçu des insultes en réponse.

Par le passé, on avait déjà pu retrouver ces dernières années d'autres initiatives de ce genre, comme les témoignages de harcèlement vécu dans la rue sur le facebook de Paye ta schnek, dans le cadre de l’Assemblée nationale, sur le blog Chair collaboratrice ou dans le milieu médical sur le blog de Paye ta blouse.

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