Le procès de Abdelkader Merah, frère de Mohamed Merah qui a tué en mars 2012 au nom du djihad trois militaires, un enseignant et trois enfants d'une école juive avant d'être abattu par la police, s'est ouvert ce 2 octobre 2017 devant les assises spéciales de Paris. Abdelkader Merah, ainsi qu'un délinquant toulousain, Fettah Malki y seront jugés en cour d'assise spéciale pour complicité d'assassinats terroristes.
Abdelkader Merah, qui se faisait appeler Ben Laden dans son quartier des Izards à Toulouse, est accusé d'avoir sciemment facilité la préparation des crimes de son frère en l'aidant notamment à dérober le scooter utilisé lors des faits. Fettah Malki, 34 ans, comparaît lui pour avoir fourni à Mohamed Merah un gilet pare-balles, un pistolet-mitrailleur ainsi que les munitions utilisés par le «tueur au scooter» à Montauban et à Toulouse. Tous deux nient toutefois avoir connu les intentions djihadistes de Mohamed Merah.
Les crimes de ce dernier étaient les premiers attentats djihadistes commis en France depuis ceux du GIA algérien en 1995, et initiaient une séquence d'attentats et d'attaques qui feraient plus de 250 morts dont, dernier drame en date, l'attaque au couteau revendiquée par Daesh de deux jeunes filles à Marseille le 1er octobre 2017, au pied de la gare Saint-Charles
L'ombre de Mohammed Merah
Pour autant, ce n'est pas Mohamed Merah, abattu au terme de 32 heures de tentative d'interpellation le 22 mars 2012, mais bien son frère qui comparaît. Patrick Klugman, avocat de Samuel Sandler, père et grand-père de victimes de l'école juive Otzar Hatorah à Toulouse, s'est dit toutefois persuadé qu'Abdelkader Merah ne se trouvait pas dans le box des accusés par hasard, au-delà du même patronyme. «Ce procès est historique. Merah est mort mais il est essentiel de comprendre ce qui s'est passé pour la mémoire des victimes et pour leurs familles», a ainsi fait valoir ce 2 octobre l'avocat, également ancien président de l'Union des étudiants juifs de France et adjoint d'Anne Hidalgo à la mairie de Paris.
«Ce procès est historique. Merah est mort mais il est essentiel de comprendre ce qui s'est passé pour la mémoire des victimes et pour leurs familles», a encore ajouté Patrick Klugman devant les caméras avant l'ouverture de l'audience, s'efforçant ainsi d'étendre la portée du procès.
La culpabilité pour association de malfaiteurs terroriste d'Abelkader Merah et Fettah Malki reste en effet encore à établir. L'avocat de ce dernier, Christian Etelin a pour sa part dénoncé une dérive de la procédure judiciaire. D'après l'avocat, son client n'a strictement rien à voir avec un quelconque projet criminel et ne serait qu'un délinquant de droit commun qui se serait contenté de fournir une arme à Mohamed Merah : «Aucun témoignage ne permet de penser qu'il savait que Merah allait l'utiliser pour tuer des enfants dans une école», fait-il ainsi valoir comme ligne de défense.
Mère de victime et mère de terroriste
Signe que le procès s'ouvre dans un climat tendu, notamment après l'attaque de la gare Saint-Charles à Marseille la veille, l'audience a déjà été émaillée d'incidents. Habillé tout de blanc, barbe noire fournie, cheveux long noués en queue de cheval, l'arrivée d'Abdelkader Merah dans le box des accusés a suscité des réactions parmi les parties civiles. «A titre personnel, je n'attends rien, ce sont des pourris [...] qu'on en parle plus, qu'on parle des victimes», a déclaré Samuel Sandler, parent de victimes.
J'attends qu'il parle et qu'il me regarde
L'ambiance s'envenime encore lorsque la mère d'Abdelkader et Mohamed Merah, Zoulikha Aziri, envoie un baiser à son fils depuis la salle avant de rejoindre son banc, déclenchant des réactions d'indignation. «Des insultes fusent», rapporte une journaliste de France Info. «Tas de merde», lance de son côté Samuel Sandler.
Un peu plus tôt, Zoulikha Aziri appelait devant les journalistes à ne pas confondre ses deux fils. «Mohamed [Merah], ce qu'il a fait c'est pas bien, je suis désolé pour les victimes et [la] famille», a-t-elle plaidé, ajoutant, en larmes : «Mais Abdelkader, il a rien fait, lui.»
Lors d'une interview en amont du procès, une autre mère, celle de l'un des soldats abattus par Mohamed Merah en 2012, Latifa Ibn Ziaten, a témoigné de ce qu'elle attendait d'Abdelkader Merah. «La seule [chose que je lui demanderai] : qu'il me regarde, qu'il, regarde cette mère... si [c'était] sa mère à ma place», a-t-elle confié, ajoutant : «J'attends de lui qu'il parle et qu'il me regarde.»
«La confrontation risque d'être difficile», juge pour sa part son avocat, maître Méhana Mouhou, cité par l'AFP. «Les accusés sont dans le déni. Pour les familles, c'est comme s'il s'agissait d'une deuxième mort», précise-t-il. «Un procès ne répare pas. Il permet simplement de mesurer la réponse de l'institution judiciaire et à travers elle du peuple français», a réagi de son côté Simon Cohen, avocat de familles de victimes de l'école juive toulousaine.