France

La PMA pour tous confirmée par Marlène Schiappa, les opposants envisagent de manifester

Marlène Schiappa a annoncé le 12 septembre que le gouvernement proposerait d'ouvrir la PMA aux femmes célibataires ou lesbiennes en 2018. Des propos qui font réagir politiques, associations et citoyens selon des lignes de fracture très nettes.

La secrétaire d'Etat chargée de l'Egalité entre les femmes et les hommes Marlène Schiappa l’a annoncé le 12 septembre sur l’antenne de RMC/BFMTV : l’«engagement de campagne» d’Emmanuel Marcon au sujet de l’ouverture de la procréation médicalement assistée serait «tenu». Avant les élections, le candidat Macron avait clairement défini sa position : il souhaitait ouvrir cette opportunité médicale pas uniquement aux couples rencontrant des problèmes de fertilité, comme c’est actuellement le cas en France.

Au micro de Jean-Jacques Bourdin le 24 février, il avait mentionné être «favorable à ce qu'on étende la PMA aux femmes seules et aux couples femmes de même sexe». Il avait ajouté : «C'est une innovation médicale encadrée, il n'y a pas de raison d'avoir aujourd'hui cette discrimination.»

Au cours de la campagne, Marine le Pen, François Fillon ou encore Jean-Frédéric Poisson avaient notamment fait état de leur opposition à la PMA pour tous, rappelant leur attachement à la famille traditionnelle. 

Mais Emmanuel Macron avait averti qu’il attendrait «que la Commission nationale d’éthique rende l’avis qui lui est demandé […] pour prendre la décision en faisant mûrir ce débat éthique et social».

Le 26 juin 2017, l’institution a statué. Un jury de sociologues, médecins, biologistes, psychiatres et juristes a examiné la question : «Compte tenu de tous les points qui précèdent et notamment de l’absence de violence spécifique dans le recours à la technique considérée, la majorité des membres du CCNE [Comité consultatif national d'éthique] se prononcent pour la recommandation d’ouverture de l’AMP aux couples femmes et aux femmes seules, sous réserve de la prise en compte de conditions d’accès et de faisabilité.»

Un avis consultatif qui émettait toutefois des réserves concernant notamment la vulnérabilité des familles monoparentales. Il insistait sur la gratuité de la pratique et le fait de révéler son origine à l’enfant.

Vent de protestation sur les réseaux sociaux

Cette annonce était celle que redoutaient depuis des années les opposants au mariage pour tous, s'opposant à la possibilité pour les couples homosexuels d'accéder à toute forme de parentalité, adoption ou PMA, encore davantage qu'à leur union. Après l’annonce, les associations LGBT, les politiques ralliés à la majorité ont exprimé leur satisfaction, tandis que les partisans Les Républicains (LR) et Front national (FN) sont montés au créneau. Eric Ciotti, député LR, a rappelé son hostilité à cette mesure.

Tandis que Philippe Vigier, de l'Union des démocrates et indépendants (UDI) a publié un communiqué pour développer ses critiques à ce sujet.

Corinne Imbert, sénateur LR, craint que la PMA n'ouvre la voie vers la GPA, synonyme selon elle de «marchandisation du corps».

Tandis qu'Esther Benbassa, sénatrice Europe Ecologie Les Verts (EELV), accorde de son côté tout son soutien à un projet de loi qu'elle a porté.

Le milieu associatif anti-PMA pour tous a réagi très vivement, et s'est montré plus prolixe que les soutiens d'Emmanuel Macron. Parmi eux, les opposants de longue date à la PMA, l'Alliance Vita, association pro-vie créée en 1993 par Christine Boutin. Caroline Roux, déléguée générale adjointe du mouvement, s'est confiée à RT France : «C'est une maltraitance originelle de ne pas laisser de place au père biologique. Et de toutes manières, ce n’est qu’une première étape vers la GPA, puisque on ne parle plus d’un homme et d'une femme pour faire un enfant, on peut imaginer l'effet domino.»

Caroline Roux estime que jusqu'ici, la France avait une tradition de protection des enfants. «Déjà, la PMA réservée aux couples infertiles avec donneur pose des problèmes d'éthique. Il existe une association de jeunes majeurs nés de dons de sperme qui revendiquent le droit d'avoir accès à leurs origines, même s'ils ont une représentation paternelle au sein de leur foyer», poursuit-elle, «on n'évacuait pas le père comme cela, dans le cadre de la PMA, il devait signer un papier chez le notaire».

Des questions que se posent aussi les pro-PMA pour toutes, dont les revendications se verront enfin satisfaites après des années de lutte. Un des éléments de la loi de bioéthique concerne la question de l'anonymat du don de gamètes. «Nous souhaitons que les enfants puissent avoir le choix quand ils grandiront de savoir qui a donné», explique à RT France Virginie Rio de l'association BAMP, association de patients de l'AMP (aide médicale à la procréation) et de personnes infertiles, «cela concerne aussi les couples hétérosexuels : certains estiment qu’il faut que cela reste anonyme. Notre position est de donner le choix pour penser à l'enfant. Les centres de dons disposent des informations, donc ce n’est vraiment pas possible de continuer comme ça». 

Alors que le CCNE envisageait la question de la PMA pour toutes selon l'angle de la discrimination, Virginie Rio a un autre avis : «Ce qui nous préoccupe est l'inégalité dans l'accès au soin, ça n'a pas de sens de corréler le désir d'enfant et la sexualité, puisque certains couples hétéros font des enfants et se comportent n'importe comment après. Donc pour nous ce qui compte est l'égalité citoyenne face à la santé.»

LA PMA pour toutes, ce que ça va changer

La PMA consiste en des traitements hormonaux pour stimuler les ovocytes, les cas les plus sévères pouvant avoir recours à un don. Elle peut viser à améliorer la qualité spermatique, ou à proposer le sperme d’un donneur. Selon l’Insee, 25 208 enfants sont nés grâce à une PMA en 2014, ce qui représente environ 3,1% des enfants nés cette année-là, dans un contexte de baisse de la fertilité en France. Le cadre légal ne réserve ces protocoles aujourd’hui qu’aux couples hétérosexuels, qui doivent prouver qu'ils sont ensemble grâce à des documents officiels (certificat de concubinage, acte de mariage, bail aux deux noms...) Une formalité parfois contournée par des femmes célibataires ou lesbiennes se rendant en rendez-vous pour la PMA avec un ami qui deviendra «co-parent», partageant leur projet d’enfant, et prétendant être l’heureux partenaire.

D'autres optent pour l'exode médical dans des pays à la législation plus souple, comme le Danemark, dans le cas où la mère souhaite pouvoir un jour avoir accès à l’identité du père biologique ou plus communément en Espagne, avec un donneur anonyme. Les cliniques spécialisées comme Eugin, y abondent.

Avec la nouvelle loi, toute femme, en couple ou non, lesbienne ou non, pourra avoir accès à des banques de sperme ou à un don d'ovocyte pour concevoir un enfant.

Une annonce qui pose davantage de questions qu'elle n'en résout

Le calendrier et les perspectives ouvertes par la loi déroutent autant ses opposants que ses partisans. «Cette annonce n'est pas très claire», estime Caroline Roux, «elle ressemble à une bouteille à la mer. L'avis favorable du CCNE laisse beaucoup de questions sans réponses. Ce n'est pas très clair. Et puis cette ouverture fait inéluctablement entrer dans le marché de la procréation, avec recours au privé.»

Toutes les patientes n'auront pas les moyens financiers de se tourner vers le privé. «Il y a l'annonce politique et la mise en œuvre... ça ne va pas être simple», estime Virginie Rio, «les équipes de santé ne sont pas encore prêtes, il y a déjà beaucoup d'attente pour les protocoles, parfois plusieurs années, alors quand la file active augmentera, ce sera pire. A l'étranger, dans les cliniques spécialisées, les femmes sont bien accueillies. Là, on leur donnera rendez-vous 6 mois plus tard...»

Se pose aussi la question des remboursements. Indemnisation pour toutes ? Ou juste de celles, sans distinction de célibat ou d'orientation sexuelle, qui sont infertiles ? 

Selon les déclarations de Marlène Schiappa, la loi ne sera pas proposée avant juillet 2018 après les résultats des débats citoyens qui remonteront au CCNE. Au cours du chemin tortueux d'une loi controversée, les opposants à la loi pour la PMA pour toutes se tiendront prêts à réagir. «Nous n’hésiterons pas à aller dans la rue quand ce sera nécessaire pour la protection des enfants», affirme Caroline Roux.

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