Le projet de loi de moralisation de la vie publique donne décidément bien du fil à retordre aux députés. Dernier épisode en date, l'inéligibilité des personnes ne disposant pas d'un casier judiciaire vierge, mesure qu'avait promise Emmanuel Macron durant sa campagne, va finalement disparaître du projet suite à un amendement voté par les députés le 24 juillet.
Au cours des discussions, le ministre de la Justice Nicole Belloubet a expliqué devant l'hémicycle que l'interdiction pour les personnes n'ayant pas un casier judiciaire vierge, de se présenter à une élection de façon automatique, sans que la juridiction ne se prononce, porterait atteinte «au principe de nécessité des peines» garanti par l'article 8 de la déclaration des droits de l'Homme et du citoyen. Elle a également estimé que la mesure serait contraire au principe d'«individualisation des peines».
Dès lors, face au «risque de censure» du Conseil constitutionnel qui pourrait juger la mesure anticonstitutionnelle, le garde des Sceaux s'est félicitée d'une initiative «bienvenue» du groupe LREM, qui a proposé un amendement pour remplacer cette disposition par une «peine complémentaire obligatoire d'inéligibilité» en cas de manquement à la probité.
Un amendement et tout change
Contrairement à l'exigence d'un casier judiciaire vierge, cette peine d'inéligibilité ne serait pas automatique, mais laissée à la discrétion des juges, explique le magistrat Eric Alt dans un billet publié sur le blog de Médiapart.
Quant aux infractions pouvant conduire à cette peine, la ministre de la Justice a déclaré que le texte initial du projet de loi visait les «crimes et délits de manquement à la probité», essentiellement la probité financière. Elle a en outre noté que l'amendement adopté contenait un «complément très circonscrit» auquel elle s'est dit favorable, qui ajoute à la liste des infractions concernées «les faits de discrimination, injure ou diffamation publique, provocation à la haine raciale, sexiste ou à raison de l'orientation sexuelle».
Nicole Belloubet a toutefois reconnu qu'une question n'avait pas été réglée, celle de savoir «où s'arrêter», c'est-à-dire où fixer la limite des infractions conduisant ou non à la peine d'inéligibilité.
La durée de la sanction n'a elle non plus pas été évoquée, même si le projet de loi de moralisation présenté début juin en conseil des ministres prévoyait une peine complémentaire d’inéligibilité pouvant aller jusqu'à dix ans.
Dernier point soulevé par Eric Alt, la peine d'inéligibilité ne pourrait s'appliquer qu’aux infractions commises postérieurement à l’entrée en vigueur de la nouvelle loi.
L'amendement au projet de loi a été porté, entre autres, par le président du groupe LREM à l'Assemblée Richard Ferrand, lui-même actuellement sous le coup d'une enquête, ouverte le 1er juin par le parquet de Brest dans l'affaire des Mutuelles de Bretagne.
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