Interrogé par BFMTV, le ministre de la Cohésion des territoires, Richard Ferrand, a réagi aux révélations du Canard enchaîné en ironisant : «C'est une sorte de cadeau de bienvenue pour ma nomination au gouvernement, où on essaie de faire d'un acte de gestion banal une pseudo-affaire.»
«Cette affaire en question est extrêmement simple. Les Mutuelles de Bretagne cherchaient un local adapté à leurs besoins au meilleur prix», a expliqué Richard Ferrand.
«Parmi trois propositions qui leur avaient été faites, les administratrices et les administrateurs du Conseil d'administration, dont je ne suis pas, ont retenu la meilleure offre, pour les conditions de travail des salariés, pour la proximité avec les transports, qui était celle d'un local détenu par ma compagne», a-t-il détaillé, concluant : «Ceci était connu de tous et par conséquent c'est parce que c'était le mieux placé et le moins cher que cela été choisi.»
Le gouvernement et La République en marche font bloc
Devant la polémique naissante, le ministère de la Cohésion des territoires a publié un communiqué au ton virulent qui dénonce «des dénonciations calomnieuses qui poursuivent Monsieur [Richard] Ferrand depuis de longues années, sans qu'il n'ait rien à se reprocher : il est au contraire unanimement reconnu qu'il a su redresser les Mutuelles de Bretagne, sauver 120 emplois et en créer plus de 200».
Christophe Castaner, le porte-parole du gouvernement, a également réagi le 24 mai sur Europe 1 en déclarant : «Ca tombe mal parce que ça crée la suspicion dans un contexte de suspicion, je ne veux pas être langue de bois sur le sujet.» «Ça meurtrit évidemment Richard qui est un homme d'une probité exceptionnelle (...), mais une chose est sûre, il n'y a rien d'illégal, il n'y a rien qui ne serait pas moral», a-t-il certifié.
«On est sur quelque chose qui est parfaitement légal, qui est connu, qui est transparent et d'ailleurs le président de la mutuelle a fait un courrier récent pour confirmer à la fois que c'était l'offre la plus intéressante et que Richard Ferrand avait contribué à redresser spectaculairement et à préserver l'emploi dans cette mutuelle», a poursuivi Christophe Castaner.
Sur la question de démissionner, la question ne s'est pas posée [...] Il ne saurait être question de sa démission
Le porte-parole du gouvernement a également affirmé que Richard Ferrand conservait la confiance du président Emmanuel Macron et du Premier ministre Edouard Philippe. «Sur la question de démissionner, la question ne s'est pas posée [...] Il ne saurait être question de sa démission», a-t-il par ailleurs martelé lors du compte-rendu du conseil des ministres.
L'entourage du Premier ministre a d'ailleurs affirmé à l'AFP que la «probité» du ministre de la Cohésion des territoires n'était pas en cause dans la location de locaux appartenant à sa compagne par les Mutuelles de Bretagne à l'époque où le ministre en était le directeur.
Du côté de La République en marche (LREM), le porte-parole du mouvement d'Emmanuel Macron, Benjamin Griveaux, n'a pas hésité à déclarer sur Franceinfo : «La moralisation de la vie publique concerne l'argent public. Là il s'agit d'argent privé. Cela n'a rien à voir. [...] Quelle règle a-t-il enfreint ? Aucune», a-t-il déclaré.
Le porte-parole de LREM a ajouté : «Manifestement, il y a eu un corbeau, puisque le papier [du Canard enchaîné] repose sur une lettre de délation».
Les Républicains (LR) vont saisir le parquet national financier pour qu'il ouvre une enquête
Rebondissant sur l'affaire, Les Républicains (LR) vont saisir le parquet national financier pour qu'il ouvre une enquête sur «les agissements» de Richard Ferrand, a fait savoir le secrétaire général du parti, Bernard Accoyer.
L'entourage du responsable de droite a précisé que cette saisine se ferait via l'article 40 du code de procédure pénale, qui oblige les autorités publiques à dénoncer des délits éventuels dont ils auraient connaissance.
Néanmoins, une source proche du dossier a confié à l'AFP qu'à ce stade, le parquet national financier n'était pas compétent pour ouvrir une enquête sur l'affaire immobilière autour de Richard Ferrand.
Les socialistes demandent des explications au chef du gouvernement, Marine Le Pen estime que Richard Ferrand devrait poser sa démission
De son côté, le premier secrétaire du Parti socialiste, Jean-Christophe Cambadélis a déclaré sur Radio Classique : «Je demande tout simplement que le Premier ministre et surtout le Garde des Sceaux, qui nous a dit qu'il faisait de la transparence la question de son accord avec Emmanuel Macron, je demande solennellement qu'aujourd'hui ils s'expriment sur le sujet.»
Quant à Marine Le Pen, présidente du Front national et candidate aux législatives dans le Pas-de-Calais, elle a haussé le ton après les révélations du Canard enchaîné. «[C'est] un enrichissement personnel parfaitement immoral [...], je mets un trait d'égalité absolument total entre l'affaire Fillon et l'affaire Ferrand», a-t-elle déclaré lors de l'émission Questions d'info (LCP-AFP-Le Monde-France Info), estimant : «La moindre des choses, [si Richard Ferrand] en tire les conséquences, c'est de poser sa démission.»
«On note que toutes ces affaires sortent après l'élection [présidentielle]», a également ironisé Floriant Philippot, invité sur le plateau de LCP le 24 mai. Selon le vice-président du FN, les révélations du Canard enchaîné ont «fragilisé» Richard Ferrand et le gouvernement.
L'association Anticor appelle le ministre à «tirer toutes les conséquences» de cette affaire
L'association anti-corruption Anticor a publié un communiqué appelant Richard Ferrand a démissionner afin «de ne pas affaiblir l'actuelle ambition de moralisation de la vie politique».
Richard Ferrand dans le collimateur du Canard enchaîné
Selon Le Canard enchaîné, les faits remontent à 2011 : à Brest, les Mutuelles de Bretagne souhaitaient louer des locaux commerciaux pour ouvrir un centre de soins, et ont choisi entre trois propositions celle d'une société immobilière appartenant à la compagne de Richard Ferrand.
L'hebdomadaire satirique a ajouté que la compagne du ministre avait alors monté très rapidement une SCI (Société civile immobilière) et que la promesse de location lui avait permis d'obtenir un prêt bancaire équivalent à la totalité du prix des locaux. Outre une rénovation complète des locaux par la mutuelle pour 184 000 euros, toujours selon Le Canard enchaîné, la valeur des parts de la SCI «[avait] été multipliée par 3 000» six ans plus tard.