Alors que le Parti socialiste (PS) et Les Républicains (LR) naviguent à vue depuis l'avènement d'Emmanuel Macron à la tête du pays – entre ralliement à la majorité présidentielle et force d'opposition – le Front national (FN) a également droit à son lot de remous.
La défaite de sa candidate à l'élection présidentielle a ouvert la porte à des luttes internes qui visent à définir les grandes orientations du parti. Dans cette optique, son vice-président Florian Philippot a annoncé avoir lancé le 15 mai une association en son sein, baptisée «Les Patriotes». Prenant soin de préciser qu'elle n'a pas vocation à concurrencer le parti nationaliste, il a cependant ajouté qu'il serait possible d'y adhérer sans être membre du FN.
Le numéro deux du parti dévoile là sa stratégie pour créer une «nouvelle force politique» à partir d'un «large rassemblement». Florian Philippot, qui se réclame du gaullisme, s'inscrit dans la continuité de l'entre-deux-tours qui avait vu le ralliement du souverainiste Nicolas Dupont-Aignan. Il tente désormais une OPA sur son l'aile droite des Républicains, pendant qu'Emmanuel Macron en siphonne l'aile gauche.
Une stratégie que semble vouloir poursuivre la présidente du FN Marine Le Pen, qui a annoncé le soir de sa défaite «une transformation profonde» du parti, jugeant elle aussi qu'il était nécessaire de «rassembler plus largement encore».
Contestation interne sur l'euro
Mais comme tout parti politique, différents courants se meuvent au sein du FN. La défaite de Marine Le Pen, et plus encore sa prestation lors du débat jugée décevante par plusieurs cadres, ont fait éclater au grand jour les divisions du parti.
Avec pour cible principale Florian Philippot considéré comme responsable de cet échec, le numéro deux du parti et son frère ayant été les principaux conseillers de la candidate lors du débat. Au-delà, c'est sa position sur l'euro qui est remise en question. La monnaie unique est en effet au cœur de la réflexion sur l'orientation à donner au parti, de nombreux cadres estimant qu'un débat sur la question est nécessaire. Lorsque Florian Philippot a publiquement lié sa présence au sein du FN à la sortie de l'euro, plusieurs cadres ont grincé des dents, y voyant un chantage adressé directement à Marine Le Pen. Le Secrétaire général du FN Nicolas Bay, lui a par exemple répliqué sèchement que le débat était «toujours préférable au chantage». Le député du Rassemblement bleu Marine Gilbert Collard lui a pour sa part reproché de ne pas jouer collectif, estimant qu'il faudrait suivre la ligne définie par le FN. «Que l'on sorte ou pas de l'euro, si Philippot sort, on aura au moins une sortie», a-t-il ironisé.
Interrogé par RT France, le directeur national du FN jeunesse Gaëtan Dussausaye estime quant à lui que cette remise en question de l'abandon de l'euro n'émane que de quelques cadres et élus proches mais extérieurs au FN. «En interne tout le monde est très conscient de la nécessité qu'on a de devoir se séparer de la monnaie unique», assure-t-il. Il précise que le débat qui suivra les législatives portera uniquement sur la manière d'être «plus pédagogue et précis sur la question de l'euro et de la souveraineté monétaire».
«Il existe une incompréhension de la part d'un certain nombre de Français sur la sortie de l'euro. C'est désormais à nous de trouver les éléments pour rendre cette question plus accessible», a-t-il avancé.
Marion Maréchal-Le Pen, le vrai-faux départ ?
La députée du Vaucluse qui avait qualifié de «désastre» la prestation de sa tante lors du débat, lâchant à l’attention de ceux qui l'avaient préparé : «Comment peut-on être aussi cons ?», s'est elle officiellement placée en réserve de la politique.
Mais le départ de celle qui défend une ligne plus conservatrice du parti représente paradoxalement un danger pour Florian Philippot. Une phrase de son communiqué n’a échappé à personne : «Je ne renonce pas définitivement au combat politique.» Et selon le site internet du magazine Marianne, elle se tient prête à jouer un rôle dans la grande recomposition politique.
«C’est une stratégie assez insidieuse parce qu’elle place l’ensemble du FN dans une situation de transition en attendant son retour», estime pour sa part Emmanuel Négrier, directeur de recherche au CNRS dans les colonnes de L'Humanité. «Elle place ceux qui gèrent le parti actuel sous la menace de ce qui va advenir. C’est redoutable pour l’ensemble du Front national, en particulier pour ceux qu’elle a pointés comme étant ses adversaires de l’intérieur, à l’instar de Philippot», analyse-t-il.
Un point de vue que ne partage pas du tout Gaëtan Dussausaye, qui explique que Marion Maréchal le Pen avait fait part en interne de sa volonté «d'avoir une expérience dans le privé et de pouvoir s'occuper de sa fille» depuis un moment. «Elle a été emportée par les élections régionales, puis la campagne pour la présidentielle et ses deux tours et a eu peu de temps pour elle et pour s'occuper de sa fille. Ce sont donc ces conditions là qui ont prévalu», a-t-il affirmé.
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