France

Macron songerait-il à dissoudre le Collectif contre l'islamophobie en France ?

Plusieurs cadres d'En Marche! confirment que, pour le mouvement, le CCIF défendrait des «positions pouvant porter atteinte aux lois de la République», alors qu'Emmanuel Macron affirme vouloir dissoudre les associations défendant de telles idées.

«Nous démantèlerons les associations qui poussent à la haine de la République et ne respectent pas ses lois», a lancé Emmanuel Macron lors de son meeting à Paris le 1er mai. Cette phrase, qui aurait pu passer inaperçue, a néanmoins fait resurgir la polémique sur le positionnement d'En Marche! à propos du controversé Collectif contre l'islamophobie en France (CCIF). Est-ce ce dernier que visait implicitement Emmanuel Macron dans sa déclaration ? 

Plusieurs indices semblent en effet laisser penser que le candidat d'En Marche! inclut le CCIF dans la liste de ces «associations qui poussent à la haine de la République» et qu'il assure vouloir dissoudre. En 2015, l'ex-député Les Républicains (LR), désormais membre du comité politique d'En Marche!, Aurore Bergé, avait publié sur Twitter un message dans lequel elle affirmait que «le CCIF [était] un danger», assimilant l'association au «communautarisme».

Le 6 avril dernier, le mouvement d'Emmanuel Macron annonçait de manière relativement discrète la mise à pied provisoire Mohamed Saou, référent d’En Marche! dans le Val-d’Oise depuis novembre 2016 et réputé proche du CCIF. Aurore Bergé confirmait alors que l'intéressé n'occupait plus ce poste. «[Ses prises de position] ne sont évidemment pas compatibles avec les valeurs d'En Marche!», expliquait-elle alors sur Twitter.

Après le meeting qu'Emmanuel Macron a tenu le 1er mai, un journaliste a contacté son équipe de campagne pour savoir si le CCIF comptait parmi «les associations qui poussent à la haine de la République» qu'évoquaient Emmanuel Macron dans son discours. Interrogé à ce sujet, Pierre Le Texier, l'un des responsables des relations avec la presse d'En Marche!, a précisé que la déclaration d'Aurore Bergé, si elle ne constituait pas «un communiqué» de son mouvement politique, reflétait bien sa position, sans «aucune complaisance vis à vis des organisations comme le CCIF qui ont des positions pouvant porter atteinte aux lois de la République».  

Pierre Le Texier n'a néanmoins pas précisé si, comme la logique le supposerait, le CCIF était dans le viseur d'Emmanuel Macron. Il n'a pas non plus expliqué en quoi l'association constituerait une menace pour les lois de la République. De son côté, le CCIF, dénonçant un discours «sans précisions» d'Emmanuel Macron, a demandé des éclaircissements au candidat.

Des positions fluctuantes sur le cas Mohamed Saou

Si la position d'En Marche! par rapport au CCIF suscite tant de débats, cela semble avant tout dû à l'absence de position claire et constante de la part du mouvement d'Emmanuel Macron. L'ex-ministre de François Hollande avait tout d'abord vanté les mérites de Mohamed Saou, estimant qu'il avait fait un «travail remarquable» dans le Val-d'Oise, où le nombre d'adhésions à En Marche! était passé de 400 à 4 000 après sa nomination, selon ce qu'il a lui-même affirmé à Libération

A peine quelques jours plus tard, Mohamed Saou avait été suspendu par le leader d'En Marche!, mais seulement «à titre provisoire», après la découverte de certains messages publiés sur sa page Facebook. «Je n’ai jamais été et je ne serai jamais Charlie», avait-il par exemple écrit après l'attentat perpétré dans les locaux de la rédaction de Charlie Hebdo en janvier 2015. A l'été 2016, après la tentative de coup d'Etat contre Recep Tayyip Erdogan, il avait apporté son soutien au chef d'Etat turc, saluant «quelqu’un qui a fait pour les réfugiés plus que tous les autres pays réunis».

Nouveau revirement le 14 avril : se croyant hors antenne après un entretien accordé à Beur FM, Emmanuel Macron a déclaré ce jour-là : «Il a fait quelques trucs radicaux, c'est ça qui est compliqué, mais c'est un type bien Mohamed !». Dans les heures ayant suivi ce couac, le candidat d'En Marche! a martelé qu'il «ne céder[ait] ni à la facilité ni au communautarisme», tout en ajoutant que les attaques contre Mohamed Saou provenaient selon lui de «proches de l’extrême droite» – sans pour autant remettre en cause la mise à pied de Mohamed Saou motivée par ses liens présumés avec le CCIF.

De nouveau interrogé à ce sujet le 2 mai sur BFM-TV, Emmanuel Macron a cité une autre organisation controversée, l'Union des organisations islamiques de France (UOIF), proche des Frères musulmans, qui a appelé à voter pour lui au second tour. «Si l’UOIF respecte les lois de la République, je n’ai pas à l’interdire», a-t-il affirmé.

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