France

Consultation des «Insoumis» plutôt qu'un appel à voter Macron : Mélenchon sous le feu des critiques

Le candidat de La France insoumise garde le silence depuis le 23 avril, refusant d'appeler à voter pour Emmanuel Macron face à Marine Le Pen. La France insoumise, face aux critiques, estime être la seule à avoir efficacement lutté contre le FN.

«Ne sifflez personne !», a lancé Emmanuel Macron au public venu l'écouter en meeting mercredi 26 avril à Arras, alors que des huées retentissaient déjà dans l'assistance après l'évocation du nom de Jean-Luc Mélenchon. «Je suis triste pour ses électeurs : ils valent mieux que ça», avait-il déclaré la veille. 

Depuis plusieurs jours, en effet, le silence du candidat de La France insoumise, arrivé quatrième au soir du premier tour avec près de 19,6% des voix, agite la classe politique. Alors que la quasi-totalité de cette dernière, des communistes jusqu'aux Républicains, a d'ores et déjà appelé à voter pour Emmanuel Macron afin de «faire barrage» au Front national le 7 mai prochain, Jean-Luc Mélenchon a choisi de ne pas pas appeler ses quelque sept millions d'électeurs à se reporter automatiquement sur le candidat d'En Marche!. D'après son porte-parole Alexis Corbière, il ne devrait pas même faire connaître son choix à titre personnel.

Contrairement à nombre de responsables politiques qui ont vertement attaqué l'ex-ministre de l'Economie de François Hollande avant de le rallier, Jean-Luc Mélenchon a préféré laisser ses électeurs choisir. Si elle n'a pas souhaité donner de consigne de vote, La France insoumise a en revanche décidé de laisser s'exprimer ses adhérents, qui pourront voter en ligne jusqu'au 2 mai prochain, date à laquelle le résultat sera rendu public. Trois options seront proposées : voter Emmanuel Macron, voter blanc ou s'abstenir – pas d'option «voter Marine Le Pen», donc. «Il est clair qu’à aucun moment le choix du Front national [FN] n’est posé : il s’agit de notre ADN politique, pas une voix ne doit aller vers le FN, pas une !», expliquait en effet Alexis Corbière, porte-parole de Jean-Luc Mélenchon, le 26 avril lors d'une conférence de presse.

A gauche, la position de Jean-Luc Mélenchon suscite de vives critiques

Au Parti socialiste (PS), les premières attaques n'ont pas tardé. Son premier secrétaire, Jean-Christophe Cambadélis, dont le candidat Benoît Hamon a obtenu 6,35% des voix le 23 avril, a dénoncé «une faute intenable quand on est de gauche» quant à la position de Jean-Luc Mélenchon.

«Quand on est responsable politique, on est responsable. Ce qu'il a dit hier, ce n'est pas du niveau de Jean-Luc Mélenchon», a encore déclaré Emmanuelle Cosse, ministre du Logement. Autre membre du gouvernement à s'en prendre à la position du candidat de La France insoumise, Myriam El Khomri, ministre du Travail. Toujours sur Twitter, la ministre dont la loi Travail avait été ardemment combattue par Jean-Luc Mélenchon en 2016, a écrit : «Quand Jean-Luc Mélenchon et son dégagisme épargnent Marine Le Pen : un déshonneur et une faute. Aucune voix à gauche ne doit manquer le 7 mai.»

Enfin, sans le critiquer directement, plusieurs des soutiens de Jean-Luc Mélenchon se sont distanciés de sa position. Prenant soin de ne jamais prononcer son nom, la plupart appellent implicitement à voter pour le candidat d'En Marche! au second tour. Ainsi, le secrétaire national du Parti communiste français (PCF), Pierre Laurent, a appelé à «faire barrage» au «danger réel» que constituerait Marine Le Pen. «Je n’ai pas d’explication au silence de la France insoumise, chaque jour qui passe devrait être du temps utile», a-t-il par ailleurs regretté. Pour Clémentine Autain, du mouvement Ensemble!, «pas une voix ne doit manquer face au FN».

«Nous avons fait déjouer le scénario d’un FN à 28%»

Pour les proches de Jean-Luc Mélenchon, son positionnement «s'inscrit dans la logique de son projet qui entend redonner la parole au peuple», selon Charlotte Girard, co-responsable du programme du candidat de La France insoumise. Mais avant tout, c'est le rejet d'un choix entre deux maux qui semble motiver cette absence de consigne de vote. «Cet entre-deux-tours met en scène le scénario idéal de l'oligarchie entre Macron élu d'avance et Marine Le Pen l'épouvantail, assurance-vie du système», explique Charlotte Girard.

Considérant que «le libéralisme alimente le vote FN», le mouvement de Jean-Luc Mélenchon en conclut par conséquent que voter Emmanuel Macron aujourd'hui revient à renforcer Marine Le Pen demain. Face à un dilemme quasi cornélien, on préfère donc mettre en avant la nécessité de continuer la lutte politique pour les idées qu'a portées Jean-Luc Mélenchon, d'autant que son bon score au premier tour fait espérer au mouvement un succès électoral aux législatives. 

Les critiques de la gauche sont d'autant plus mal perçues par les membres de La France insoumise que la déroute du PS pendant le quinquennat de François Hollande est tenue pour principale responsable de la montée du Front national. A l'inverse, Alexis Corbière affirme : «Nous avons fait déjouer le scénario d’un FN à parfois 28%, nous avons mobilisé des gens qui ne votaient plus, notamment dans les quartiers populaires : nous sommes fiers de ce bilan.» «Nous sommes d'ailleurs les seuls humanistes», ajoute Charlotte Girard.

Après le 21 avril 2002, Jean-Luc Mélenchon avait immédiatement appelé à voter pour Jacques-Chirac face à Jean-Marie Le Pen – il était alors membre du Parti socialiste. A l'époque, seule Arlette Laguiller, candidate de Lutte ouvrière, avait refusé d'appeler à voter pour la droite face au FN. Quinze ans plus tard, ils sont une majorité de candidats à ne pas appeler à voter pour Emmanuel Macron : outre Jean-Luc Mélenchon, Nathalie Arthaud, François Asselineau, Jacques Cheminade, Jean Lassalle et Philippe Poutou n'ont pas donné de consigne de vote. Nicolas Dupont-Aignan a annoncé qu'il ferait connaître sa décision plus tard.

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