France

Challenges roule-t-il pour Macron ? Des journalistes maison le pensent

Dans un communiqué de la SDJ révélé par l'observatoire des médias Acrimed, les journalistes de Challenges s'insurgent, notamment, contre la fréquence élevée d'éditoriaux qu'ils jugent pro-Macron sur le site de l'hebdomadaire.

Les journalistes de la SDJ (Société des journalistes) de Challenges, déplorent «les interventions multiples et déplacées de Maurice Szafran auprès de la direction et de l’équipe web, suite à la parution d’un article critique à l’égard de Macron».

En cause : les pressions qu'auraient subies – selon la SDJ – les journalistes du site internet de l'hebdomadaire à la suite de la publication d'un article le 14 mars 2017 concernant la déclaration de patrimoine d'Emmanuel Macron et publié le 14 mars 2017 : «Où sont les millions de Macron ?»

Une question apparemment gênante, puisque le communiqué, reproduit par l'observatoire des médias Acrimed, évoque un «coup de téléphone d'un communicant de Macron». A la suite de cet appel, Maurice Szafran, éditorialiste «invité» de Challenges mais aussi patron de presse, aurait tenté d'infléchir le travail d'investigation des journalistes par «des interventions multiples et déplacées auprès de la direction et de l'équipe web».

Les journalistes de la SDJ concèdent ainsi dans le communiqué du 16 mars que dans la version distribuée en kiosques, «la ligne non partisane de Challenges est plutôt correctement observée». «A l'exception notable d'une une de janvier [2017] sur la primaire de la gauche», faisant référence à l'article «Le boulevard fait à Macron». Mais c'est sur le site web, que «cet équilibre est gravement occulté par le nombre d'articles pro-Macron/défavorables à ses adversaires», dénoncent-ils.

Maurice Szafran : «Emmanuel Macron s'est imposé aux médias. C'est ainsi que l'histoire devrait être racontée»

L'Acrimed, créé il y a plus de 20 ans en 1996, épingle par ailleurs sur son site un éditorial de Maurice Szafran, publié dans Challenges le 30 janvier 2017, intitulé «Pourquoi Emmanuel Macron n'est pas le candidat des médias». Dans cet article, Maurice Szafran soutient la thèse selon laquelle Emmanuel Macron se serait construit «contre une grande partie de la presse politique».

Dénonçant rien de moins qu'une vision «crypto complotiste», l'«éditorialiste invité» de Challenges, ancien PDG et actionnaire de Marianne, Maurice Szafran conclut alors qu'Emmanuel Macron, «s'est imposé aux médias».

Egalement signataire de l'«appel des psychanalystes contre Marine Le Pen» du 13 mars 2017, l'éditorialiste influent présente l'ancien secrétaire général adjoint de l'Elysée et ex-ministre de l'Economie presque comme un rebelle, «encore inscrit à la pouponnière de la politique». Et qui paierait pour avoir «osé prétendre à casser les règles élémentaires [...] le bloc d'airain du politiquement convenable».

Mais pour l'éditorialiste, les temps ont changé et aussi bien Le Monde que Le Figaro et la presse en général «toutes tendances et sensibilités confondues, modère[nt] et module désormais [leurs] reproches». «Emmanuel Macron s'est imposé aux médias. C'est ainsi que l'histoire devrait être raconté[e]. C'est ainsi qu'elle s'est mise en place».

La couverture médiatique dont bénéficie Emmanuel Macron dès le début de 2016, et ce avant même qu'il ne quitte le gouvernement de Manuel Valls le 30 août, continue  en effet de poser question, malgré les dénégations de l'équipe de campagne d'En Marche !.

A telle enseigne que Le Monde, accusé de favoriser Emmanuel Macron par ses lecteurs eux-mêmes, tentait de se justifier dans un éditorial le 9 mars 2017. Concédant alors que l'un des actionnaires du journal, le millionnaire Pierre Bergé avait bel et bien tweeté son soutien à Emmanuel Macron, le quotidien du soir clamait sa «totale indépendance». «Ces tweets n’ont pas d’influence sur nous, ajoute Caroline Monnot, dans le même éditorial, «Ni dans un sens ni dans l’autre». Avant de conclure, inversant l'accusation : «Il n’est, en particulier, pas question de "flinguer" Macron à tout-va sous prétexte de cette prise de position».

Alexandre Keller

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