«Si certains veulent à tout prix qu’on place le débat sur : "Est-ce que l'on garde Assad ou est ce que l'on ne garde pas Assad", ce n'est pas comme cela que la question se pose. La question est celle de savoir si la communauté internationale respecte ses propres engagements», a estimé Jean-Marc Ayrault en arrivant à une réunion de l'OTAN à Bruxelles, le 31 mars.
«Si on veut la paix et la sécurité durables en Syrie, il ne faut pas seulement l'option militaire, il faut l'option politique et l'option politique, c'est la négociation pour une transition» conformément à la position adoptée en décembre 2015 par l'ONU, a-t-il insisté, marquant un tournant dans la position du Quai d'Orsay sur le dossier syrien.
Ces déclarations surviennent au lendemain d'annonces, très similaires, de la part de Washington. Le 30 mars, les Etats-Unis ont ainsi assuré ne plus faire du départ du président syrien une «priorité» et opérer un tournant stratégique dans la recherche d'un règlement du conflit en Syrie qui dure depuis six ans.
«Le sort du président Assad, à long terme, sera décidé par le peuple syrien», avait déclaré le secrétaire d'Etat américain, Rex Tillerson, lors d'une conférence de presse à Ankara en compagnie de son homologue turc, Mevlüt Cavusoglu.
Le même jour, l'ambassadrice des Etats-Unis à l'ONU, Nikki Haley, a elle aussi insisté sur ce point, ajoutant que son pays voulait travailler avec la Turquie et la Russie pour trouver une solution politique à long terme en Syrie, plutôt que de se focaliser sur le sort du président syrien.
«Quand vous regardez la situation, il faut changer nos priorités et notre priorité n'est plus de rester assis, là, à concentrer nos efforts sur le départ d'Assad», avait-elle notamment déclaré. Des déclarations faisant écho aux engagements formulés par Donald Trump, au cours de la campagne présentielle américaine. L'ex-candidat républicain s'était en effet distingué de sa rivale démocrate, Hillary Clinton, sur ce dossier, en se disant prêt à collaborer avec le chef de l'Etat syrien.
Bachar el-Assad mérite-t-il finalement d'«être sur la Terre» pour le Quai d'Orsay ?
La France a longtemps exigé farouchement que Bachar el-Assad parte avant qu'une transition politique ne soit engagée en Syrie. Cette position avait été incarnée dans sa dimension la plus brutale par l'ancien ministre français des Affaires étrangères, Laurent Fabius. Il avait même déclaré en 2012 que Bachar el-Assad «ne mériterait pas d'être sur la Terre».
François Hollande a mené une politique très offensive vis-à-vis des autorités syriennes, allant jusqu'à livrer de l'armement à l'opposition prétendument «modérée». Le chef de l'Etat français était même prêt, en août 2013 à lancer des chasseurs bombardiers français sur Damas.
Comme cet élan guerrier, stoppé par Washington, c'est aujourd'hui le retournement de la diplomatie américaine qui semble avoir donné le ton de la nouvelle position française vis-à-vis du président syrien.
Il y a quelques mois encore, Jean-Marc Ayrault avait pourtant fermement condamné le déplacement de Thierry Mariani et de Nicolas Dhuicq à Alep et à Damas, où ils ont rencontré Bachar el-Assad. «Je suis profondément indigné. Parce que ça, c’est l’alignement sur les Russes. Moi, je suis totalement en désaccord avec cette ligne politique», avait-il affirmé.