Le Conseil français du culte musulman (CFCM) a adopté une charte de l'imam pour aider les mosquées à mieux lutter contre les discours radicaux en veillant au recrutement de prêcheurs «républicains». Un texte qui est le fruit d'une longue maturation.
A moins de quatre semaines de la présidentielle, et alors que la France a été marquée par les attentats djihadistes, la mise en œuvre de cette charte vise à proclamer «l'attachement des imams de France à l'islam du juste milieu et au pacte républicain», s'est félicité dans un communiqué le CFCM, instance représentative de la deuxième religion de France.
Les mosquées seront invitées «à faire de la signature» de ce texte, adossé à une convention type censée clarifier les missions de l'imam et son statut, «un élément essentiel à prendre en compte» lors des recrutements.
Selon ce texte, «l'imam réaffirme que Dieu, qui est à l'origine de toute vie, comme il est à la source de tout ce qui est bon, ne saurait être invoqué pour justifier la haine et semer la terreur». Il s'engage à rappeler «aux fidèles leur obligation à l'égard de leur patrie et de leurs concitoyens» en leur enjoignant d'«élever des prières pour la France à l'occasion du prêche du vendredi».
Le CFCM avait exprimé dès l'automne 2015, peu après les attentats du 13 novembre, son intention de proposer une charte de l'imam. Le gouvernement poussait alors le CFCM à réagir face à la montée des discours fondamentalistes. Mais le projet avait buté sur la difficulté à faire avancer le chantier d'un «islam de France» pour des responsables musulmans souvent divisés, en mal de représentativité.
La grande mosquée de Paris (liée à l'Algérie) dirigée par le recteur Dalil Boubakeur, qui aspire toujours à un rôle central au sein de l'islam français, n'a pas accueilli avec enthousiasme cette charte. Même constat de méfiance, voire de défiance, de la part de l'influente Union des organisations islamiques de France (UOIF), qui fait cavalier seul tout en restant dans l'orbite de l'islam politique des Frères musulmans.
«Il y a eu des péripéties, des questions, et nous y avons répondu par des réunions dédiées, notamment avec la grande mosquée de Paris et l'UOIF. Les interrogations ont été levées», assure à l'AFP le président du CFCM, Anouar Kbibech, responsable du RMF, importante fédération de sensibilité marocaine. Signe de sa volonté de ne pas laisser l'espace médiatique au CFCM, la grande mosquée de Paris a toutefois publié mercredi sur le site du Point une «proclamation de l'islam en France» selon laquelle «tout musulman doit évidemment respecter les valeurs et les lois de la République française».
«Première étape»
La France compte environ 1 800 imams, pour partie à temps partiel non rémunéré, certains itinérants, chargés de conduire la prière dans environ 2 500 lieux, selon les estimations. Trois cents sont «détachés» par l'Algérie, le Maroc et la Turquie, les principaux pays d'origine des quatre à cinq millions de musulmans en France, dans le cadre d'accords entre Paris et ces pays.
La signature de la «charte de l'imam» sera «au départ» basée sur le «volontariat», mais Anouar Kbibech est persuadé qu'«elle suscitera un engouement». «Tout le monde a intérêt à contribuer à la construction d'un islam apaisé, qui puisse sortir de cette spirale de suspicions, d'amalgames mais aussi d'actes de violences voire de terrorisme», fait-il valoir.
Après cette «première étape», le CFCM travaille au «deuxième étage de la fusée»: un projet de «recommandation des imams» qui doit permettre de contrôler leur formation civile et civique, ainsi que leurs connaissances théologiques.
Mais d'ores et déjà, la charte, une fois signée, sera «opposable» à l'imam, puisqu'elle fera l'objet d'une signature tripartite entre lui, son employeur (mosquée ou fédération) et le CFCM ou l'un de ses conseils régionaux (CRCM). «Cela mettra l'imam devant ses responsabilités», veut croire Anouar Kbibech.