L'attaque terroriste qui a tué 90 personnes au Bataclan le 13 novembre 2015 avait ravivé la question de la sécurité de la salle de spectacles parisienne déjà ciblée dans un projet d'attentat, resté sans suite judiciaire.
Cette menace était apparue dès 2009 dans l'enquête menée à Paris sur la mort d'une lycéenne française, le 22 février de la même année, dans un attentat au Caire. Les autorités égyptiennes avaient alors attribué cette mort à un groupe palestinien djihadiste lié à Al-Qaïda se faisant appeler «L'Armée de l'islam».
Les enquêteurs égyptiens avaient recueilli des informations selon lesquelles un Belge, Farouk Ben Abbes, proche des frères Fabien et Jean-Michel Clain, les voix de la revendication des attaques du 13 Novembre, projetait d'attaquer le Bataclan, ainsi qu'une «une cible israélite» en Seine-Saint-Denis, selon une source proche du dossier. Selon eux, il avait reçu par un proche du mouvement de «L'Armée de l'islam» des instructions pour agir en France avec deux complices.
En avril 2009, Ben Abbes avait finalement été arrêté par les autorités égyptiennes alors qu'il revenait clandestinement de la bande de Gaza où il avait séjourné dans les rangs de «L'armée de l'Islam». Là, il a appris à fabriquer des bombes et des engins explosifs. En juin 2009, la DGSI rapporte dans une note «confidentiel défense» qu'il aurait «proposé le Bataclan comme objectif possible» pour perpétrer un attentat.
Déjà connu des services antiterroristes français pour ses liens avec la mouvance radicale toulousaine, il avait été mis en examen en 2010 dans l'enquête menée en France sur ces projets d'attentats, avant de bénéficier d'un non-lieu le 14 septembre 2012.
La communauté juive visée avant tout
Quelques semaines avant la décision du juge, les services de la DGSI rapportent de leur côté une conversation intrigante interceptée sur MSN le 10 janvier 2009 entre deux hommes. L'un d'eux, Mohamed A.B. apparaît en lien avec Ben Abbes, selon une note confidentielle de la DGSI, également révélée par Le Point.
Les enquêteurs leur prêtent l'intention de «tout faire pour savoir où la soirée aurait lieu», suite à son annulation au Bataclan. Dans cet échange, Mohamed A. B. «déclarait [...] qu'il allait faire un carnage et amener des cocktails Molotov», selon la note. Puis en évoquant les «juifs», l'autre dit à Mohamed A.B. : «Il faut les frapper comme ils nous frappent.» De quelle soirée parlaient-ils ?
A la même époque, des associations pro-palestiniennes s'étaient élevées contre l'organisation, le 25 janvier 2009 dans le Ve arrondissement de Paris, d'un gala de soutien à «Magav», la police des frontières israélienne, prévu initialement au Bataclan, comme l'avait indiqué Le Monde.
La note, partiellement déclassifiée, n'évoque pas cette soirée, pas plus qu'elle ne permet de relier cette conversation au projet dont était suspecté Farouk Ben Abbes. Avant l'enquête sur le 13-Novembre, son contenu n'a jamais été remis à la justice.
Innocenté sur le Bataclan, Ben Abbes est resté étroitement surveillé par la DGSI. Quelques semaines après les attentats parisiens, dans une note du 7 décembre 2015, les policiers affirment que Ben Abbes a projeté un attentat en France, avec trois hommes en lien avec la mouvance radicale de Toulouse. Puis changement de plan, il se serait ensuite consacré à la préparation d'un départ en Syrie pour début 2016. Pour cela, il communique avec les frères Clain, écrivent les enquêteurs. Contacté par l'AFP, son avocat n'a pas donné suite dans l'immédiat.
Lire aussi : Un Syrien de 25 ans identifié comme l'artificier des attentats de Paris et Bruxelles